Début de semaine agité pour la XVe législature au Palais-Bourbon. Tout avait pourtant bien commencé avec mardi la nomination du Président de l’Assemblée Nationale par les députés LRM, qui avaient voté de façon tout à fait indépendante pour François Rugy ou les candidates qui leur paraissaient être les plus aptes ou représentatifs pour être au perchoir. D’ailleurs, malgré l’absence de confidences ou de off, il ne faisait aucun doute que l’ancien candidat à la primaire de la Belle Alliance, qui s’était engagé à soutenir le candidat issu de celle-ci, serait élu.
Mais, dans une ambiance digne du château de Moulinsart, d’un coté les députés LRM étaient interviewés dans le jardin attenant à la salle des quatre colonnes, tandis qu’en face le groupe dissident de droite, dit constructif, mené par Thierry Solère , était présent au grand complet pour la photo de groupe.
Simultanément Jean-Luc Mélenchon donnait avec un petit retard sa conférence de presse. Ton presque badin de l’ancien candidat à la présidentielle, qui répondait aux question polies des journalistes, étonnés de l’attitude positive de leur ancien pourfendeur. En fin de compte une présidentielle avec presque 20% de suffrages et 17 députés aux législatives changent son homme. Mais pas au point toutefois de changer de combat. En préambule Jean Mélenchon insiste en effet sur le fait que le vote le désignant à l’unanimité au sein de son groupe pour le nommer président a été réalisé à bulletins secrets. Apparemment on pourrait en déduire que le vote à main levée des LRM pour l’élection de Richard Ferrand n’était pas représentatif pour Jean-Luc Mélenchon d’un vote démocratique.
Il évoque ensuite le nouvel usage, celui de l’annonce du discours d’Emmanuel Macron lundi à Versailles, la veille de celui du Premier Ministre à l’Assemblée Nationale. Insistant sur le fait que le groupe « était très déterminé » il n’hésite pas à une belle métaphore en évoquant « C’est la mer qui se fatigue, mais pas les rochers ». Bien qu’un brin provocateur on pourraitlui opposer Roger Nimier: « Sans les rochers on sait bien que les vagues ne monteraient pas aussi haut’. Autre point saillant abordé par Jean-Luc Mélenchon, le port obligatoire au sein de l’hémicycle de la cravate, que le nouveau Président du groupe des Insoumis souhaite ne pas respecter. En politique il est certain que la symbolique prime parfois sur le fond.
Puis la sonnerie annonça le début de séance, et pendant que la Garde Nationale, sabre au clair attendait l’arrivé du doyen des députés, les élus LRM passaient devant la statue de Caton pour aller élire leur président. A ce titre François de Rugy fit son premier discours en souhaitant une assemblée studieuse et disciplinée et un hémicycle qui ne soit pas « un lieu de provocation et d’anathème ». Un voeu qui parut pieux dès l’élection du « constructif » Thierry Solère au poste de questeur, alors que le poste aurait dû revenir, selon l’usage, à Eric Ciotti.
Le groupe des LR fit alors part de son point de vue, en bloquant la plus haute autorité collégiale du Palais-Bourbon, et retirant les candidatures d’Annie Genevard et de Marc Le Fur. Ce blocage impromptu du fonctionnement du parlement portait atteinte dans le même temps à la convocation des députés pour le Congrès de Versailles, où le Président de la République doit lundi s’exprimer devant les parlementaires. Afin de débloquer la situation Richard Ferrand promut Danielle Brulebois et Sacha Houlié de LRM aux postes non pourvus. La décision ne manqua pas, bien évidement, d’accroître le courroux de la droite, et engendra des séances, les mercredi soir et jeudi, en tous points opposées au voeu émis mardi par François de Rugy.
En fin de compte c’est bien un début de semaine placé sous le signe de Caton, dont l’injonction « Cathago delenda est » résonne d’une singulière modernité. En effet réduire totalement toute opposition parlementaire n’est peut-être pas aussi simple que cela fut initialement envisagé.
Jean Cousin, Dominique Grimardia
