Politique 24/10/2018

Au Sénat: Nouvelles mobilités, et plus encore

by Rédaction

En amont de la loi sur les mobilités programmée pour le printemps, Fabienne Keller, sénateur du Bas-Rhin, et Vice-Présidente de la commission des finances, de la Commission des Affaires européennes et de la Délégation sénatoriale à la Prospective a rendu son rapport d’information sur « Les outils financiers permettant d’optimiser la gestion des flux de transports en milieu urbain ». Pour la rédaction de ce rapport elle s’est également appuyée sur les travaux réalisés par la Direction générale du Trésor et l’ADEME ( Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).

De fait depuis 2007 et le Grenelle de l’Environnement les métropoles de plus de 300 000 habitants ont la possibilité de mettre en place des « péages urbains ». Cette mise en place aurait été destinée à améliorer la qualité de l’air en luttant contre les embouteillages. 11 ans après la loi Grenelle 2, dont le décret d’application n’a jamais été adopté, la France n’a pas encore adhéré à ce projet, alors que de nombreuses ville européennes et dans le monde ont déjà mis en place des dispositifs destinés au double enjeu environnemental et de logistique des flux.

C’est à l’occasion des Assises de la mobilité, à l’automne 2017 que le sujet des « péages urbains » fut « remis sur le métier » ; la ministre des transports y annonça qu’ une réécriture de l’article du code général des impôts consacré aux péages urbains serait proposée dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités.

En préambule de son intervention Fabienne Keller préconise d’ailleurs d’abandonner l’expression « péage urbain » qui, selon elle, ne permet pas de  » faire comprendre aux automobilistes le fonctionnement et les objectifs de cette fiscalité environnementale ». Elle propose de la rebaptiser en « contribution anti-congestion » ou en  » contribution qualité de l’air ». Le choix du gouvernement s’est porté sur  » tarif de congestion », un mixte francisé de l’anglo-saxon « congestion charge(s) ».

Les études réalisées par Fabienne Keller se sont portées sur 2 villes européennes, Londres et Stockholm, où elle s’est rendue afin d’étudier in situ l’ensemble des dispositifs et les résultats obtenus grâce à ces tarifs de congestion dont la mise en place fut initiée dès 2000, avec une réalisation respectivement en 2003 et 2006. Ces dispositifs couvrent à Londres une zone de 21 km/carrés, à Stockholm 47 Km/carrés.

Pour ces deux villes le tarif de congestion s’appuie techniquement sur des systèmes de reconnaissance optique automatique des plaques d’immatriculation par des caméras installées sur des bornes , elles-mêmes situées aux différents points d’accès de la zone soumise à péage. Le coût total du système fut à Londres de 180 millions d’euros, à Stockholm de 200 millions d’euros. D’autres systèmes s’appuient sur le recours à la géo-localisation par GPS, c’est la solution adoptée par la ville de Singapour. Selon les spécialistes 8 ans sont nécessaires pour amortir l’investissement.

La Direction générale du Trésor et l’Ademe ont défini 3 critères pour l’installation d’un tarif de congestion:
– 1) un seuil de pertinence à 300 000 habitants minimum,
– 2) une congestion automobile qui provoque des dommages en termes économiques et de qualité de vie,
– 3) l’existence préalable de réseaux de transports publics très performants.

De la comparaison des tarifs de congestion Fabienne Keller conclut sur la nécessité de prévoir une  » tarification simple, lisible et stable, modulée selon les horaires de la journée, avec un paiement à chaque entrée dans la zone mais plafonnée quotidiennement », avec la possibilité « d’ exonérations ou des systèmes de déductibilité des impôts pour certaines catégories de la populations ».

Les expériences de Londres et Stockholm montrent des résultats non seulement au niveau de la diminution des flux de circulation ( – 30 % en nombre de véhicules à Londres, – 28 % à Stockholm) mais aussi en amélioration de la qualité de l’air ( -16% émissions de CO2 à Londres, -14% d’émissions de polluants à Stockholm). A celles-là s’ajoute une diminution de 40% des accidents de la route à Londres.

Tout en rappelant dans ses recommandations l’importance de ce dispositif pour les agglomérations d’au moins 300 000 habitants comme cela est prévu à l’article 1609 quater A du Code général des impôts, Fabienne Keller souligne également qu’il faudrait supprimer le caractère expérimentale la limitation à 3 ans de la durée de mise en oeuvre des tarifs de congestion prévus dans ce même article.

Toutefois l’étude de la mise en place des tarifs de congestion met en évidence l’absolue nécessité d’instaurer une participation active avec la population et de communiquer en amont sur ses modalités et en aval sur ses résultats. Fabienne Keller rappelle avec l’exemple des deux villes européennes étudiées combien « la qualité de la concertation » génère un large consensus.

Dans ce contexte si la mise en place d’un tarif de congestion nécessite un très fort portage au niveau local ainsi que le soutien de l’Etat, par delà les clivages politiques, sans oublier la nécessaire transparence des coûts, le changement que pourrait apporter le tarif de congestion suppose qu’apparaissent, lors des concertations, également d’autres modalités de mise en oeuvre des tarifs de congestion. Et par delà l’enjeu environnemental, le pivot ne situe-t-il pas aussi dans la construction d’une véritable politique de consultation des habitants ?

Dominique Grimardia

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