News, Politique 27/03/2017

Benoît Hamon: « Cette campagne est marquée par la révélation de la corruption »

by Rédaction

Curieuse campagne présidentielle! Alors que dimanche dernier le meeting de  Benoît Hamon à  Bercy accueillait selon le PS  25 000 participants , et dépassait largement par le nombre des participants celui d’Emmanuel Macron en décembre quand En Marche annonçait 15 000 personnes, cela ne serait plus une preuve du succès. Ce fait qui semblait pour les instituts de sondage, et quelques médias, l’élément déterminant à la fin de l’année dernière  pour signifier l’engouement du pays pour Emmanuel Macron ne serait plus un indicateur aussi signifiant aujourd’hui. En effet, au vu des dernières intentions de vote pour Benoît Hamon, aucun gain, et même une légère baisse pourrait apparaître, et ce alors que par ailleurs aucune faute ne peut-être imputée au candidat du PS.

Mais, hasard du calendrier, justement le livre  « La politique est à nous  » qui paraît ces jours-ci pourrait donner une réponse dans son  chapitre  » Les idées et l’action »  en analysant ainsi la situation sondagière:

« Le vote « oui » au Brexit, au Royaume-Uni, puis l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis ont montré que les sondages n’accèdent pas nécessairement au réel , et une critique de cet outil s’est développée, mettant fin (provisoirement?) à l’idée qu’ils constituent la méthode reine pour connaître la société. » »

Ce livre justement est beaucoup plus qu’une remise en doute de la certitude sondagière. Sous la direction de Michel Wieviorka, quarante personnalités de la société civile, de Nicolas Hulot à Catherine Withol de Wenden en passant par Yann Arthus-Bertrand ou Claude Alphandéry, ont  donné leur analyse en appui au texte programmatique de Benoît Hamon et Yannick Jadot. « Une façon de refondre la politique en liaison avec le mouvement des idées », comme le résume la postface.

Livre ancré dans la l’actualité la plus prosaïque, celle du Salon du Livre, mais aussi dans l’actualité la plus politique, le contexte des Présidentielles et de la politique internationale.  A la conférence de presse qui présentait l’ouvrage à la maison Suger, Benoît Hamon apparaît serein, mais toujours attentif. En s’attardant plus que prévu à cette conférence de presse, il semble apprécier ce qui ressemble à une sorte de parenthèse en  dans cette campagne où le « Bling Bling », les intérêts « court-termistes » et les ego prennent le dessus sur les programmes,  les intérêts des partis et ceux du pays.

Après avoir en effet présenté « un ouvrage riche d’analyses, qui réconcilie avec le projet de faire et vivre ensemble grâce à un pragmatisme et une philosophie politique autant bienveillante que critique », les premiers mots de Benoît Hamon sur la situation de la campagne présidentielle furent une constatation sans appel:   » Ce débat résonne vraiment beaucoup avec l’ère du vide ».  Puis, en quelques phrases, le candidat du PS développa sa vision de la situation, son « sentiment que nous sommes au coeur de transitions », face à  « un modèle de développement qui s’épuise ».  » La révolution numérique donne des pouvoirs considérables à de grandes entreprises, de grands groupes, qui dictent nos existences  beaucoup plus que les nations auxquelles nous appartenons ». Revenant ensuite au débat télévisé de lundi soir il confia que  » C’était tellement court que c’était un peu frustrant ».

Lorsque Michel  Michel Wieviorka indiqua que l’ensemble des droits d’auteurs du livre seront versés à la Cimade, en précisant « que personne ici ne s’enrichira ni individuellement ni collectivement », l’actualité reprit immédiatement  le dessus. Benoît Hamon confirma « précision utile  car nous vivons à une époque formidable ». Cela fit écho avec Yannick  Jadot qui surenchérit en indiquant « qu’ils n’ont pas été habillés par la maison Arnys « . Et Benoît Hamon de préciser avec humour:  « Ce qui va devenir original c’est qu’en fait nous n’avons embauché aucun membre de notre famille, et que nous avons acheté nos costumes nous-mêmes ».

Mais au moment de la traditionnelle séance de questions, lorsque furent évoquées les multitudes affaires qui entourent les principaux candidats à la présidence, Benoît Hamon  fut particulièrement offensif  sur le fait que la finalité d’une campagne présidentielle qui se devait d’être pour la nation était perdue de vue, en déclarant: « Cette campagne est marquée par la révélation de la corruption. Peut-être révèle-t’on aujourd’hui davantage de choses qu’avant,  cela me donne un  peu cette impression. C’est cette forme de nausée à voir le feuilleton des révélations sur les turpitudes des uns et des autres qui gonfle chaque jour un peu plus.  S’agit-il d’une affaire de génération? Il y a eu avant des femmes et des hommes vertueux. Aujourd’hui il y a peut-être moins de tolérance à l’égard des comportements de corruption dans les deux sens, que cela soit du côté de celui qui corrompt, comme de celui qui est corrompu. Ce que je crois c’est à l’effort de réaliser ce qui doit être fait en matière de transparence, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de savoir la réalité des conflits d’intérêts. C’est cela en effet le sujet. Quels sont les conflits d’intérêts qui pourraient altérer à un moment la capacité de juger et de décider d’un homme politique, à un moment où il doit servir l’intérêt général. Cette question est importante comme l’usage des fonds publics.
Mais au-delà de cela, ce qui me frappe c’est surtout qu’il ne faut pas échanger cet effort de transparence contre une forme d’indifférenciation des programmes politiques. La distinction et la discrimination entre les responsables politiques  se feraient alors juste sur l’honnêteté. Ensuite charge à eux de mettre en oeuvre un unique programme. Il faut reposer puissamment un débat politique et proposer des options clairement distinctes, sortir surtout du vague et de la confusion de ces discours qui finalement performent ! mais ne disent rien, performent mais ne laissant aucun  souvenir, performent mais ne disent jamais où nous serons demain. Ils ne disent pas non plus les raisons de la mise en oeuvre éventuelle de cette politique là. Pourquoi? Parce que ce sont des politiques dans l’air du temps. S’agit-il d’une affaire de génération? Je ne sais pas si cela se joue sur une loi. Et j’aspire à ce que nous sortions de l’ère du soupçon qui nous touche tous par ricochet. Cela ne correspond en rien à l’idée que je me fais de mon éthique, ni à ma morale. Cette ère du soupçon est l’instrument par lequel certains électeurs veulent faire mal, et vont se faire mal. Cela ne correspond ni à l’idée que je me fais en politique, ni à ma vie. »

Ce fut un moment de rare vérité dans cette campagne qui, bien que certains prétendent le contraire, est en réalité exceptionnelle tant par les enjeux pour la nation, la remise en cause de la place de la France au sein de l’Union Européenne, que par les conséquences de certains programmes en matière de réduction de coûts qui peuvent déstabiliser lourdement la France pour un temps beaucoup plus important que celui d’un quinquennat. A ce titre les fameuses années soixante où l’économie britannique a subi les différents  « stop and go » initiés par les travaillistes et conservateurs alternativement au pouvoir ont conduit à une perte de compétitivité significative du Royaume-Unis pour plus d’une décade. Elles pourraient davantage inspirer une réflexion de fond sur les conséquences réelles des programmes sur l’économie, qu’elles ne le font actuellement.

Jean Cousin, Dominique Grimardia

Print Friendly, PDF & Email
Leave a comment