Interview, Politique 12/10/2015

Claude Bartolone précise les objectifs de sa campagne en Ile de France

by Rédaction

Lors de son déplacement au Lycée Buffon à la rencontre des encadrants et des stagiaires de l’association Impulsion 75, qui réalise une démarche de réinsertion innovante pour les jeunes en décrochage solaire avec l’appui de M. Michel Pantèbre, proviseur du lycée, Claude Bartolone nous a accordé un interview.

 Considérez vous que l’électoral des jeunes est décisif pour la campagne des régionales?

 Il est décisif comme l’est tout électorat qui s’abstient. Je pense que la clé de cette élection dépendra beaucoup de la mobilisation, et de l’envie républicaine de celles et ceux qui s’abstiennent. Il est vrai que, dans ce monde en mutation, cet électorat voit le responsable politique comme une  personne qui ne peut plus rien pour eux. C’ est, je pense, ce que qu’il faut corriger, notamment dans le cadre d’ une politique  plus accessible, au plan régional comme au plan de la politique nationale.

 Il faut réactiver ce ressort pour qu’ils aient à nouveau l’envie de participer au scrutin. Il faut le tenter à la fois pour les élections régionales, mais même, d’une manière plus large, pour ré-installer cette envie de citoyenneté.

 C’est le sens de votre visite aujourd’hui avec Hella Kribi Romdhane?

 Oui, c’est le sens de ma visite. Mais il y a autre chose. Vous voyez, bien souvent, la tendance est de parler de cette région Ile de France en évoquant les 30% du produit national brut, la plus grande région en terme de concentration de chercheurs, de recherche et développement.

 Si l’on ne doit avoir qu’un discours économique sans dire aussi « Attention c’est un projet social », si nous ne sommes pas à la fois attentifs à ceux qui décrochent de la société et au vivre ensemble, eh bien! nous passerons à côté de quelque chose.

 Vous  voyez, on ne peut pas simplement parler de résultats économiques dans le développement des transports, sans dire aussi que tout cela sert à renforcer ce modèle républicain. Cela sert à renforcer notre conviction que, dans la région la plus riche de France, chacun peut y connaître le bonheur.

Sinon, comment ressentez-vous le démarrage de la campagne?

 J’ai voulu tout d’abord lui donner un tempo très personnel. Lorsque j’ai été désigné, j’ai voulu tout d’abord rassembler tous les miens. C’est pour cela que, très tôt, j’ai voulu désigner les candidats dans chacun des départements.

 Ensuite j’ai voulu que les franciliens puissent s’approprier la campagne. Nous avons près de 10 00 contributions qui sont remontées aujourd’hui. Maintenant, ou d’ici une quinzaine de jours, après avoir sorti les propositions qui seront les miennes sur les transports, je vais entrer dans la phase où j’aurai l’objectif de révéler globalement le projet que nous présenterons aux franciliens.

De plus il y a eu une accélération inattendue. Hélas, par certains côtés, cette accélération est due au drame des réfugiés qui doivent être réinstallés. C’est un combat sur les valeurs, et j’ai senti, au travers de ce débat, une re-mobilisation de cet électorat de gauche qui, depuis les primaires et les présidentielles, s’était réfugié dans l’abstention. Il commence à se  rendre compte que, même s’ il n’est pas satisfait des résultats obtenus par le gouvernement, sur la question des réfugiés, sur les propositions actuelles de l’opposition, des différences existent. C’ est certainement un élément capable de faire bouger les électeurs au moment de la régionale.

 Vous avez évoqué les transports, que pensez-vous des propositions de Valerie Pécresse?

 Tout d’abord il y a beaucoup d’erreurs. Elle évoque, par exemple pour la Grande Couronne, la nécessité de 1000 bus supplémentaires. Eh bien non! Moi, je propose mille emplois supplémentaires, parce que les bus existent, mais ils sont au garage. Ils ne fonctionnent pas sur un certain nombre de tranches horaires alors qu’ils pourraient fonctionner s’il y avait des chauffeurs derrière les volants, et le personnel d’accompagnement et de sécurité à certaines heures.

 Je suis très surpris qu’ elle reprenne, quelquefois à un intervalle de deux ou trois jours, l’une de mes propositions. Lorsque j’ ai évoqué la nécessité de renouveler tous les trains d’ici la fin de la future mandature, elle a repris cette idée. Mais elle n’ aborde jamais la dégradation du réseau SNCF, les caténaires, la signalisation, car elle a compris la responsabilité qui était aussi la sienne.

 Le premier rapport sur ce sujet fut réalisé en 2005 par l’Ecole Polytechnique de Lausanne. En tant que Ministre du Budget de l’époque, elle doit réaliser qu’elle n’est pas intervenue. Elle n’ évoque pas non plus le fait que les revenus des droits de péage du réseau ferré ne permettent pas de l’améliorer. Il existe donc sur un certain nombre de points des  préoccupations identiques, mais je suis extrêmement surpris des propositions incohérentes qu’elle donne.

Vous avez évoqué de renouer avec les gauches sur le principe des valeurs, en l’occurrence l’accueil des réfugiés. Que pensez-vous des intentions de vote aussi importantes pour le FN?

 C’est terrible, et j’y vois deux raisons. La première, nous l’avons évoquée avec les jeunes, tient au nouveau monde dans lequel nous sommes entrés. Les enjeux de la mondialisation, du numérique, les préoccupations environnementales, la question angoissante du métier futur ne peuvent être négligés par des citoyens. Ils s’ interrogent sur leur place dans la société. L’écueil à éviter est de succomber à la tentation populiste qui clame  » Ce n’est pas de votre faute, ce sont les étrangers! Ce n’est pas de votre faute, c’est le gouvernement! Ce n’est pas votre faute, c’est l’euro ». Cette tentation, il nous faut la combattre.

 Je suis en effet très surpris de la course  menée par une partie de la droite, une droite qui, alors qu’ elle devrait être républicaine, marche sur les traces du Front National. Elle favorise le départ vers le FN. Alors que l’ UMP  d’alors  a établi la première convention sur l’Islam, nous entendons aujourd’ hui des élus vouloir en finir avec les repas de substitution,  tolérer d’ accepter des réfugiés à la condition qu’ils soient  chrétiens au prétexte qu’ ils » ne coupent pas la tête de leur patron ». Voilà des paroles terribles. Quiconque a entendu les propos de Madame Morano s’interrogeant  la semaine dernière sur la différence entre elle et Philippot, perçoit de facto que cette droite républicaine perd un certain nombre de ses appuis républicains. Elle incite une partie de son électorat à glisser vers le FN. Voilà qui est  préoccupant.

 Ce danger, je le pense, ne peut être ignoré, il est essentiel d’en tenir compte, et la retenue des propos s’ impose. J’ ai conscience que, lors de la prochaine élection présidentielle,  si les choses restent en  l’état, il y aura un (ou une) représentant  du FN, face à un seul représentant du camp républicain. Plus nous tiendrons des propos inadmissibles par certains cotés, plus il y aura de propositions inadmissibles émises par ceux qui courent après le FN, plus le report des uns et des autres sur celui qui sera le candidat face au FN sera difficile. C’ est une préoccupation pour l’image de la France, et pour  ce que nous espérons de la réponse républicaine.

Jean Cousin

Print Friendly, PDF & Email
Leave a comment