DE L’AUDACE, Encore De L’Audace, Toujours De L’Audace: Un Buisson Maudit A Maubuisson:

by Rédaction

Il fallait de l’audace pour livrer l’abbaye de Maubuisson à la créativité des Frères Chapuizat, abandonner cette abbaye cistercienne fondée en 1236 par Blanche de Castille, mère du roi Saint Louis  à  des performeurs, auxquels le lieu fut livré avec carte blanche. Une seule contrainte: l’installation ne devait pas s’adosser au lieu, en quelque point que ce fût. Il fallait de l’audace pour demander une oeuvre certifiée autorisée au public. Cela donne un évènement culturel absolument novateur en France pour les Frères Chapuizat. Et cette audace, Isabelle Gabach, initiatrice du projet, l’a eue.

Il fallait  encore de l’audace pour accepter le challenge de concevoir une installation capable de s’introduire dans ce lieu sans anachronisme facile, sans s’asservir à la présence de l architecture de cette abbaye royale, mais en créant un autre monument à l’intérieur du monument. Ce défi les frères Chapuizat l’ont relevé. Comme matériau: 70 mètres cubes de planches de bois blanc,  à l’oeuvre: 9 frères et soeurs, durée d’exécution: 3 mois . Quelques rares consignes: partir d’un seul point,:ne recourir ni à la verticalité, ni à l’horizontalité, interdiction de concevoir à l’avance, utiliser un bois frais  Et c’est ainsi que s’est déployée à partir de la salle du chapître, une structure auto-portante, organique qui a progressivement  envahi l’amphithéâtre puis la  bibliothèque et la salle des religieuses. Cette architecture s’est développée du sol au plafond et de l’intérieur. Plus la pièce grandit, plus les frères et soeurs rajoutent des pièces, et un boyau de bois se développe sous les voûtes et ogives cisterciennes. Dans ce labyrinthe de solives les frères et soeurs Chapuizat ont rampé, se sont courbés, agenouillés, ont accompli mille et un détours et construit une oeuvre qui travaille, au rythme du bois qui sèche, selon la dynamique d’une progression discursive.

Et il faudra toujours de l’audace aussi au visiteur jeune ou plus âgé qui peut non seulement déambuler sur les céramiques vernissées à travers les pieds de ce monstre, mais aussi le pratiquer de l’intérieur après avoir trouver les trappes d’accès. Il pourra en parcourir les recoins, se glisser entre les planches, chercher sa voie dans ce dédale de  bois qui craque pour découvrir des chambres secrètes et des salles dérobées, Car c’est là la force de cette performance, l’oeuvre n’y est pas un simple objet de contemplation , elle sollicite le public, l’invite à une compréhension de l’intérieur au sens propre, et la relation ergonomique vécue par ses concepteurs est mise à la portée de chacun. Le visiteur à son tour peut réfléchir à chacun de ses pas, confrontera son corps à cette progression heurtée, entravée, symbolique; Il est également rare qu’une oeuvre éphémère réponde autant à un lieu .

De ce jeu de lignes brisées, de décours, dans ce cheminement inconfortable à travers ce couloir de bois concave, situé loin du sol, mais distancié des cintres surgit la vision de ce que fut ce lieu: une abbaye sous la règle de la clôture où étaient envoyées de très jeunes filles pour y vivre selon les règles de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance, – cela bien souvent sans qu’elles n’eussent seulement l’espoir que leur famille vîn tles rechercher..

Aujourd’hui si le « Buisson Maudit » des Frères Chapuizat  entre en résonance avec l’âme du lieu, avec la fonction première de ces anciennes salles et développe la métaphore de ces vies recluses. Il donne aussi à faire l’expérience d’un art de partage, d’écoute et de respect. Habitée par cette créature baroque pour l’été l’abbaye de Maubuisson propose l’ alliance de l’intuition et de la fonctionnalité, et permet au visiteur d’expérimenter un art en mouvement, une construction dont la dynamique le déplace du statut de simple spectateur à celui d’acteur.

Dominique Grimardia, Copyright  Forks 2013.

Le « Buisson Maudit » des Frères Chapuizat, Abbaye de Maubuisson, Saint Ouen l’Aumône

 

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