Politique 11/12/2015

De « Sauvons la Recherche » à la Vice-Présidence de la Région: Interview d’Isabelle This Saint-Jean

by Rédaction

Vice-Présidente en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche  en Ile de France, Isabelle This Saint-Jean est aussi enseignante à Paris , après avoir été Présidente en 2008 et 2009 du collectif  « Sauvons la Science ».

Au sein de l’exécutif de la Région Ile de France quelles sont les décisions politiques qui ont le plus porté vos valeurs?

Agir pour la Région Ile de France a été quelque chose de particulièrement stimulant. Pour mener cette action, j’ai déterminé quels sont les grands objectifs que doit se donner la Région en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Nous avons eu plusieurs grandes priorités dans une Région qui n’est pas comme les autres. Il s’agit en effet de la première Région européenne dans les domaines de la recherche  et de l’enseignement supérieur 40% de la recherche , 650 000 étudiants, 17 universités. C’est l’un des trois ou quatre grands spots mondiaux, en quelque sorte  la Silicon-Valley à la française.

La priorité a été d’amener un plus grand nombre de jeunes à la réussite dans l’enseignement supérieur. A ce titre le Président de la République vient d’indiquer l’ objectif de conduire 60% d’une classe d’âge à la réussite, c’est un bon objectif d’y conduire plus de jeunes. Porter plus de jeunes de toutes les origines sociales l’est aussi, car nous avons un ascenseur social très, très grippé en ce moment.
Garder cette idée également tout au long de la vie l’est tout autant car, aujourd’hui, soit vous prenez l’ascenseur parce que vous êtes issu d’un milieu favorisé, soit vous ne le prenez plus jamais. Vous pouvez toujours sortir du manège, mais la possibilité de re-rentrer dans le manège n’existe pas. Pourtant on a intérêt à y faire revenir les gens. C’est à cette condition qu’il est possible d’ augmenter le niveau de qualification, or c’est très, très difficile. Il faut donc plus de jeunes de tous les milieux sociaux, et une formation tout au long de la vie.

Une autre priorité a aussi été d’accroitre la somme de recherche, la somme de connaissance, la somme de savoir, donc de renforcer notre position.  En Ile de France nous avons en effet une recherche exceptionnelle. En France nous avons une recherche exceptionnelle, les plus grands mathématiciens, les plus grands physiciens, les plus grands biologistes. 70% de la recherche sont réalisés sur le territoire. Mais ce que l’on ne sait pas très bien faire en France, c’est sa valorisation. Nous devons y parvenir non seulement en termes de réalisation et d’emploi, mais aussi en termes énergétiques, en termes de santé. On arrive pas à sortir la recherche des laboratoires pour l’amener dans l’entreprise en particulier, et dans la société en général. Enfin il est indispensable, dernière grande priorité, que le dialogue entre la recherche et la  société, avec les élus s’améliore. Mettre en place un certain nombre d’éléments est nécessaire pour faire face à ces objectifs.

Par nos actions sur le logement-étudiant, les maisons d’ étudiants, le transport, les dessertes de site, la santé des étudiants avec la complémentaire-santé, nous avons amélioré les conditions de vie et d’études. Il s’agit aussi d’améliorer les lieux d’études. Nous avons construit un nombre important de bibliothèques, en sus de celle que nous améliorons. Les maisons d’étudiants sont destinées à créer un lien social, à vaincre un certain anonymat. Beaucoup de travaux de sociologues montrent que c’est un facteur de l’échec des étudiants en premier année, car il y a une sélection en premier année. Il est donc positif que les campus soient des lieux agréables à vivre avec des activités culturelles, ce qui n’exclut pas l’engagement des enseignants. La réflexion sur les pédagogies, l’ensemble de ces politiques correspondent à un investissement Etat-Région de 1,2 milliard pour la période 2007-2015, et un projet d’investissement de 800 millions sur la prochaine mandature avec un investissement de 65 millions par an sur l’immobilier des étudiants franciliens. Le budget de la Région dans le cadre de ses engagements est de 140 millions.

Qu’est-ce qui caractérise votre action de vice-présidente de la Région?

Ce qui caractérise l’action d’un vice-président de Région sur ce dossier c’est aussi sa capacité à identifier les besoins spécifiques, à les faire remonter afin de créer les conditions propices d’exécution, soit par des actions entièrement financées par la Région, soit par des actions auprès de l’Etat, afin que les financements puissent être mis en oeuvre, et que la Région puisse faire porter ses priorités politiques. A titre d’exemple j’ai vu les dix sept universités, les huit communes, les porteurs de projets, et ce durant une consultation générale sur deux ans. Cet exercice me permet d’appuyer et d’orienter l’action de l’Etat, de montrer où je considérais qu’il était utile de le faire investir, ce qui a conduit l’Etat à investir 400 millions en appui des 400 millions que nous avons mis en place pour la période 2015-2020, afin d’améliorer la vie des étudiants.

Parmi les mesures prises pour la démocratisation de l’enseignement supérieur, nous avons conçu un dispositif original dédié aux personnes en situation d’incarcération, dans le cadre d’une expérimentation menée à Fleury-Mérogis, avec des taux de réussite aux examens  équivalents à ceux qui s’obtiennent « hors-des-murs ». La deuxième priorité a été l’emploi scientifique, et ce particulièrement pour les jeunes chercheurs, car l’environnement est devenu très compliqué pour toute une série de raisons d’abord  démographiques. J’ai commencé à en parler en 2008, dans le cadre du mouvement « Sauvons la Recherche ». Depuis j’ai gardé à coeur de faire progresser cette situation. Nous avons financé énormément d’allocations de recherches, comme l’allocation doctorale qui est un financement de jeunes chercheurs sur trois ans.

Nous avons participé au renforcement de la recherche, à son accompagnement. Nous avons investi sur la fondation Imagine, dirigée par professeur Alain Fisher (les bébés éprouvettes), à hauteur de 9 millions, ou encore sur l’accélérateur de Saclay, le Synchrotron, le campus Condorcet, le grand équipement documentaire, pour un investissement total de 110 millions d’euros. La politique que nous avons mise en place est un investissement sur les structures en faveur de la recherche.
La Région Ile de France finance aussi de l’équipement scientifique dénommé « mi-lourd », comme le programme « Sésame » sur lequel nous sommes décisionnaires. Un jury, constitué de personnalités scientifiques, donne un avis et une évaluation des projets, que nous finançons à hauteur de 66%, et l’organisme de recherche, ou l’Etat, apporte le complément de l’investissement.

Avez-vous des domaines d’intérêt majeurs?

Les domaines d’intérêt majeurs ce sont des réseaux de chercheurs sur des thématiques.  Il y en a 16 en Ile de France, et nous demandons aux chercheurs de travailler ensemble. Un porteur de projet est identifié, ensuite il gère au sein d’une vraie délégation financière. L’impact de ce dispositif est à relier au nombre de thèses qu’il a favorisées, et par lequel  elles ont pu être financées.

Nous n’avons pas omis le dialogue science et société. Nous avons mené une politique très originale de mise en place du dialogue avec un ensemble de dispositifs différents, notamment  avec notre  » MISS ». La MISS est une maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences sur le campus d’Orsay. Elle est parrainée par Wendelin Werner, médaille Fields 2006, (l’équivalent du prix Nobel pour les Mathématiques) et Jamy Gourmaud, journaliste scientifique et animateur de l’émission « C’est pas Sorcier » sur France 3, une émission destinée à initier les enfants à la démarche expérimentale. L’ ouverture internationale y est primordiale, car c’est un domaine qui demande beaucoup de relations, avec une politique d’accueil et d’envoi.

Quelle grande orientation vous semble novatrice dans sa mise en place?

Le numérique a un impact extrêmement fort sur le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur, la pédagogie, la vie du campus, les bibliothèques.  C’est une triple révolution. Il faut donc absolument accompagner le numérique.

A quel degré l’Europe intervient-elle?

Effectivement l’Europe intervient. Il faudra en obtenir des financements. Mais aujourd’hui la Région doit financer, car il est nécessaire de transformer le campus, les bibliothèques, de numériser les archives, mettre à disposition des ordinateurs, des espaces ouverts grâce auxquels les chercheurs peuvent mettre en ligne leurs travaux. C’est à la Région d’aider à passer la vitesse supérieure en accompagnant et en étant ouverte à l’innovation. Il est donc nécessaire d’accompagner les acteurs de la recherche.
La deuxième priorité englobe tout ce qui relève de la vie des étudiants; l’appropriation du campus, le budget participatif des étudiants qui déposent des projets pour y développer l’animation.

Jean Cousin

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