News, Politique 14/09/2017

Emmanuel Macron serait-il trop optimiste en stoppant les contrats aidés ?

by Rédaction

La diminution drastique des Cui Cae n’en finit pas de faire couler de l’encre, mais pas que cela. Car, dans les faits, cette décision est potentiellement de nature à augmenter les chiffres du chômage de 10 000 à 15 000 chômeurs supplémentaires par mois.

Sous les ors du Palais de l’ Elysée Emmanuel Macron a décidé de revenir sur cette décision, et de l’instruire auprès des préfets assemblés.  Lors de son discours du 5 septembre le Chef de l’Etat a en effet précisé: « Dans ce contexte nous avons un défi. Dans ce changement de logique, c’est en effet, au-delà de ce sujet de formation, eh bien! de réorienter la dépense de nos politiques d’emploi » (…), « et d’assurer, parce qu’ils ne sont pas une réponse durable au problème de l’emploi ». Et d’insister sur le fait qu’ « une très faible minorité de ces contrats aidés se conclut par un emploi durable et un contrat à durée indéterminée ».

Prudent toutefois, afin d’éviter une augmentation trop significative de la courbe des demandeurs d’emploi, le Président de la République a donné comme instruction aux préfets de veiller  » ensuite à éviter ce que j’appellerais des sorties sèches. Pour cela il faudra vous assurer que Pôle Emploi convoque systématiquement les personnes dont les contrats vont arriver à échéance pour leur proposer de manière prioritaire une formation qualifiante ou un reclassement ».

Le contrat unique d’insertion-contrat d’accompagnement(CUI CAE) est un appui à l’emploi et à la formation créé sous la présidence de Nicolas Sarkozy. En 2012, dans le cadre de son programme « Une France Forte », celui-ci avait alors développé l’analyse suivante: « Nous développerons les contrats d’insertion, afin d’inciter les bénéficiaires du RSA à reprendre une activité. Un contrat à temps très partiel pour rendre un service à la collectivité est un premier pas pour sortir la personne en difficulté de la spirale de l’isolement, pour l’aider à retourner vers l’activité. C’est aussi une manifestation concrète d’un équilibre entre droits et devoirs. La solidarité nationale ne peut pas s’appliquer pour celui qui refuse de travailler alors qu’il en a la capacité et peut gagner davantage. Nous diminuerons donc le RSA socle pour les personnes qui refuseraient un contrat d’insertion, alors qu’ils peuvent travailler « .

Cela correspondait à la volonté du chef de l’Etat d’alors de faire évoluer un dispositif qu’il considérait comme un régime d’assistanat sans lendemain pour les populations les plus en difficulté face au chômage, en particulier les plus de 50 ans. Cette mesure donnait la possibilité d’avoir une activité rémunérée, ce qui impliquait d’avoir la capacité et la volonté de pouvoir se réinsérer dans un cadre de travail. En effet, les différentes études réalisées à l’époque avaient constaté que, faute d’une activité professionnelle régulière, les populations en difficulté avaient tendance à ne plus être capables de la régularité nécessaire pour exercer un travail.

Pour l’Etat cette formule ne représentait pas un surcroit de charge financière réel. En effet, compte tenu du mécanisme des aides, les personnes concernées par le dispositif disposaient d’un versement de 400 à 600 euros par mois au titre du revenu minimum. De surcroît ces emplois aidés ont connu une évolution de leur régime d’exonération de charges, qui est devenu, peu ou prou, similaire au régime d’exonération accordé aux bas salaires.

La subvention qui avait été diminuée d’une centaine d’euros il y a deux ans, ne représentait plus que 900 euros environ par emploi pour le secteur associatif et les communautés locales. Or, comme dans le même temps des cotisations sociales à hauteur d’environ 350 euros étaient versées par les employeurs, la charge réelle du dispositif n’était que de 100 à 300 euros.

La difficulté essentielle résidait donc dans le fait que le financement était supporté en priorité par les Conseils Départementaux, dont les finances sont lourdement grevés par ses domaines de compétence et en particulier le volet social. Dispositif qui couvre l’enfance et la famille, en passant par les personnes âgées et les personnes handicapées, et l’insertion des personnes défavorisées. L’ensemble de ces actions représente plus de 50% de leur budget pour beaucoup de Conseils Départementaux. Le Pas de Calais par exemple engage 59% de son budget en faveur de ces actions. Les différentes interventions du Premier Ministre pour expliquer cette décision et en défendre le bien fondé n’empêcheront pas les conséquences bien réelles sur l’évolution des chiffres du chômage.

En outre cette volonté d’alléger les finances des Conseils Départementaux a peut-être aussi comme objectif de parvenir à la mise en place d’une proposition du candidat d’alors, à savoir  » réduire le millefeuille administratif « .

Avec comme solution de supprimer au moins un quart des départements, là où ils peuvent être rapprochés de l’une de nos grandes métropoles.

Cette proposition pourrait être dans la continuité d’une fusion déjà existante entre Métropole et Conseil départemental dans le Rhône depuis le 1er janvier 2015, qui ont fusionné leurs prérogatives sur le territoire de la Métropole, fort de 59 communes et de près de 1,3 million d’habitants. Le département, quant à lui, n’a pas disparu et exerce ses compétences régaliennes (action sociale, RSA…) dans les 221 autres communes, pour plus de 447 000 personnes administrées.

Par ailleurs un autre effet pervers semblerait apparaître de la volonté de L’Elysée d’alléger les effectifs des cabinets ministériels et de s’appuyer sur les directions générales des administrations. En effet beaucoup de contrats aidés n’ont pas été renouvelés, bien avant l’annonce officielle de cette nouvelle politique. Des décisions accompagnées parfois de justifications non conformes aux Textes qui régissaient ce type de contrat. Il y a même eu, pour des motifs sibyllins, l’interruption artificielle des versements sur des contrats signés. C’est le cas de l’agence de paiement (ASP) de Montreuil qui, tout porte à le croire, a mis en oeuvre dans ce but une politique que certains pourraient considérer comme parfaitement déloyale en ne pas réglant pas les associations, et en prétendant ne pas recevoir les justificatifs.

 Pour ce qui est des répercussions financières, le gouvernement compte vraisemblablement sur le nouveau dispositif présenté par le candidat Emmanuel Macron lors de sa campagne, un dispositif capable d’instaurer de nouvelles règles pour l’assurance chômage afin de résorber les conséquences de cet afflux de chômeurs.

Mais l’Etude Economique sur la France, présentée à Paris ce jour par le Secrétaire général de l’Ocde, Angel Gurria, au Ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, fait apparaître que « les personnes qualifiées n’arrivant pas à trouver du travail sont trop nombreuses ».
Ce constat ne va pas dans le sens des prédictions gouvernementales, ce qui revient à dire que vraisemblablement près des 300 000 personnes, insérées grâce à ce dispositif, sont et seront privées de la possibilité de trouver concrètement un travail.

Print Friendly, PDF & Email
Leave a comment