News, Politique 25/02/2017

Emmanuel Macron: un programme très Bercy

by Rédaction

Quelques éléments financiers du programme du candidat Emmanuel Macron sont dévoilés ce vendredi 24 février. Sont-ils de nature à soutenir l’engouement que sa candidature a suscité en matière de renouvellement de la vie politique? Sont-ils porteurs d’une méthodologie nouvelle qui puisse faire apparaître les programmes des autres candidats comme antédiluviens?

Il est des remarques de bon sens comme « L’excédent du compte courant de l’Allemagne (9% du PIB) crée un déséquilibre macroéconomique plus grave pour la zone que le déficit budgétaire français. » Ou bien « Contrairement aux productivistes aveugles, nous ne pensons pas que l’objectif de croissance soit purement quantitatif. » Ou même « Nous faisons de la qualité des services publics un des piliers de la nouvelle croissance ». Elles ne peuvent que rassurer les Français.

Il en est d’autres plus incertaines.

La réduction de la dépense publique de 3 points de PIB d’ici 2022:

Ces points du programme sont moins marqués par le changement. Avec en effet un objectif d’investissement de 50 milliards et un objectif réduction des dépenses de 60 milliards sur cinq ans, et compte-tenu de l’ambiguïté de la phrase « Nous souhaitons réduire la dépense publique de 3 points de PIB d’ici 2022, on ne sait si cela implique un effort en dépenses de 60 milliards d’euros » ou si cela revient à avoir un objectif de 110 milliards d’euros au-dessus des objectifs de François Fillon qui chiffre les économies à 100 milliards.

Un meilleure gouvernance de la fonction publique:

Emmanuel Macron s’appuie sur « les experts » pour évaluer les gains du passage au numérique entre 5 à 10 milliards. Cela semble grandement surévalué, car les difficultés de ce passage sont totalement obérées. Dans leur grande majorité les Français ne disposent ni du matériel informatique ni de la formation en informatique nécessaire pour utiliser, gérer l’ensemble des procédures et sites qui vont se multiplier. Il est raisonnable de s’attendre à des problèmes multiples lorsque le passage au numérique sera pleinement opérationnel.

Les objectifs de management pour changer les méthodes budgétaires sont peut-être une nécessité, mais la fonction publique se doit d’être loyale avec les citoyens. Or ces objectifs de résultats ne peuvent-ils pas favoriser à terme des entorses à cette obligation de loyauté?

Quant à l’évocation d’une plus grande autonomie des collectivités locales qui entraînerait une baisse vertueuse des dépenses de fonctionnement, il ne semble pas que les annonces de ce type faites aux Français depuis une vingtaine d’années aient produit beaucoup d’effet de contraction des dépenses, le tout renforcé par le désengagement constant de l’Etat, et accompagné par l’attribution régulière de nouvelles compétences aux régions.

Une volonté de meilleure gouvernance avec un respect des 3% de déficit. Rétablir la confiance avec nos partenaires européens:

Le constat a été établi que les dépenses publiques françaises représentent 55% du PIB, alors que la moyenne des autres pays européens est de 44,5%.
Emmanuel Macron esquive le débat sur la problématique du budgétaire militaire, ce que ne fait pas Benoît Hamon qui a clairement indiqué, dans son discours du Conseil National du PS le 5 février, que la France est la seule puissance nucléaire européenne. Elle dispose de la totalité des moyens militaires de projection. Est-il politiquement responsable de ne pas intégrer ces éléments tant dans la définition de l’objectif des 3% de déficit, que dans le nécessaire financement par l’Europe de sa protection militaire et nucléaire?

De plus au moment où Donald Trump, nouveau Président des États-Unis, annonce sa volonté de revoir en profondeur l’OTAN, et surtout d’en faire assurer les coûts par l’Europe, ne serait-il pas réactif de faire une proposition claire pour la France, et d’assurer ainsi le leadership de la défense en Europe? Or les moyens français sont intégrés à l’OTAN? Pourrait-on se retrouver dans une position où l’Europe serait prête à financer les USA, mais pas la France pour sa défense?

Le premier enjeu du futur Président de la République est là. Loin de tout réduire à cette unique problématique, les problèmes liés au déficit seraient réducteurs et peu raisonnables. Continuer à systématiquement obérer les gains politiques pour l’Europe du bouclier nucléaire français serait coupable, et peut-être pas un signal de bonne gouvernance adressé à Bruxelles.

Jean Cousin, Dominique Grimardia, Pierre Cusson

Print Friendly, PDF & Email
Leave a comment