Fragilité blanche : une autre vision du racisme

by Rédaction

Si la discrimination raciale officielle a été interdite essentiellement interdite au milieu du XX ème siècle aux États-Unis, la politique raciale y demeure importante. Inégalités sociales et économiques, stratification raciale dans de nombreux secteurs: emploi, logement éducation, octroi des prêts bancaires, accession aux postes clés du gouvernement. Aux États-Unis «  la discrimination imprègne encore tous les aspects de la vie » selon les constatations du Réseau américain des Droits de l’Homme.
De la ratification du 13 ème Amendement en 1865, et le Civil Rights Act de 1866, malgré les quatorzième et quinzième Amendement, la National Association for the Advance of Coloured People en 1909, le Fair Housing Act de 1968, le Community Reinvestement Act de 1977, l’élection du premier Président noir Barack Obama en 2008, les récentes manifestations en mémoire de Rodney King montrent combien le racisme résiste à tous les dispositifs législatifs.
S’inscrivant dans la perspective sociologique tracée par  Katz, Braly et  Lang, Robin DiAngelo a consacré 20 années à analyser « ce racisme que les Blancs ne voient pas ».. Celadonne 12 chapitres qui dissèquent la » fragilité blanche », une expression antinomique qui montre combien malgré les politiques de l’identité, le racisme demeure. Construit sur une multitude d’attitudes, de clichés, des phrases anodines construisent l’idée d’une « suprématie blanche ». De fait, chaque analyse travaille sur les paradoxes de la communication entre Blancs et non Blancs, sur la justification des commémorations, sur les non-dits. À l’appui de toutes ces analyses la retranscription des ateliers que Robin DiAngelo a menés, de ses observations et des réactions enregistrées. Elle mêle schémas, extraits de mails, catalogues d’expressions, postulats. Le lecteur est amené à entrer dans un décapant jeu d’introspection, de remise en question.
Et parmi quelques exemples pour la période 2016-2017:
 » . Parmi les dix Américains les plus riches: 100% de Blancs ( dont sept figurent parmi les dix plus riches du monde).
. Congrès américain: 90% de Blancs.
. Gouverneurs américains 96% de Blancs.
. Plus hauts conseillers militaires: 100% de Blancs.
. Le Freedom Caucus du Congrès: 99% de Blancs.
. Cabinet présidentiel: 91% de Blancs.
. Les gens qui décident ce que nous regardons à la télévision: 93 % de Blancs.
. Les gens qui décident quels livres nous lisons: 90% de Blancs.
. Les gens qui décident quelles informations seront partagées: 85% de Blancs.
. Les gens qui décident quelle musique sera produite: 95% de Blancs. »

Les principes des démocraties réfutent l’ idéologie selon laquelle il existe une hiérarchie entre les groupes humains. En Biologie seule existe la notion d’espèce, et une seule espèce humaine. Par delà ces grands principes, l’expérience vécue par Robin DiAngelo confronte le lecteur à ses préjugés, aux stratégies d’évitement, de contournement qui entretiennent ce racisme invisible, et pas seulement sur le continent nord-américain. La citation empruntée en épigraphe à Lilian Smith, Killers of the Dream, joue le rôle d’un avertissement: «  Ces rituels qui honorent la suprématie blanche, pratiqués depuis le berceau, glissent de la conscience jusqu’au plus profond des muscles… et deviennent très difficiles à extirper ».
Le va-et-vient qu’elle instaure dépasse l’histoire des États-Unis et leur longue histoire d’émeutes raciales, et de pratiques en matière de discrimination. Au lendemain des manifestations pour Rodney King ou Adama Traoré, ses mises en situation, menées tantôt avec ironie, sarcasme, ou humour, conduisent à une réflexion sur la différence, sur toutes les différences, et sur la possibilité de construire un « vivre ensemble »,
 » . En réduisant os réactions défensives. (…)
. En montrant notre curiosité et notre humilité.
. En élargissant notre vision du monde.
. En démontrant que nous pratiquons ce que nous prônons.
. En construisant des relations de confiance authentiques. »
Un manuel de l’antiracisme à lire et pratiquer sans modération.

Dominique Grimardia

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