Maserati, une marque automobile en pleine mutation: interview d’Auguste Pion, PDG de Maserati

by Rédaction

Maserati présente sa nouvelle Grand Tourisme, et étaye sa gamme avec d’autres variantes, afin de conquérir une place plus importante sur le marché mondial de la voiture de grand sport et de très haut luxe. Ce choix stratégique peut surprendre puisqu’au même moment  la direction de Ferrari ( qui fait partie du même groupe Fiat) annonce une stabilisation de ses ventes en 2013, par raréfication de son offre.

Dans une interview accordée à Forks,  Auguste Pion, PDG de Maserati, explique sa stratégie de développement :

« Maserati fêtera ses 100 ans l’année prochaine, ce qui est non négligeable dans le paysage automobile actuel. En 2012 nous avons produit un peu plus de 6100 voitures dans le monde. Nous sommes donc en progression constante depuis 2008. L’année 2013 représente une nouvelle ère: nous avons pour ambition de passer en 3 ans de 6100  à 50 000 voitures.

Cela peut paraître extrêmement ambitieux mais, pour atteindre cet objectif, nous allons mettre en place trois nouveaux modèles : tout d’abord la nouvelle Quattroporte, disponible dès janvier, ensuite la Ghibli qui sera une berline du segment inférieur,  le segment E ( Mercedes classe E, Jaguar XS). Avec cette voiture nous nous attaquons à un nouveau segment , et légitimement nous pouvons supposer des volumes bien supérieurs. Le troisième modèle sera le SUV ( Sport Utility Vehicle). Il arrivera sur le marché au deuxième semestre 2014, et s’appellera le Levante.

Pouvez-vous expliquer le nom Levante ?

C’est le nom d’une rue de Bologne, la rue dans laquelle les frères Maserati ont installé leur premier siège social, il y a 60 ans. Il y a donc trois produits pour arriver au chiffre ambitieux de 50 000 voitures : on comptera donc 20 000 SUV, 20 000 classe E, et 10 000  voitures partagées entre la nouvelle Quattroporte et l’actuel modèle coupé cabriolet.

Combien de voitures vendez-vous en France aujourd’hui ?

120 voitures.

Vous êtes une équipe de combien de personnes ?

Nous sommes une équipe d’une dizaine de personnes, cela fluctue en fonction des statuts précaires.

Quels moyens allez-vous mettre en place ?

Honnêtement, pour sortir autant de voitures, il y a deux angles d’attaque.  Au niveau mondial, ce n’est pas si colossal que cela, 50 000 voitures sur les deux segments SUV et Berline. 20 000 voitures sur un segment mondial dans lequel il n’y a pas que les allemands; il y a Lexus, Cadillac sur le marché américain et asiatique. Ce chiffre n’est pas si colossal que cela au niveau européen, car les marques allemandes ont beau être très fortes, au niveau mondial nos concurrents ne sont pas des marques européennes. Bien sûr nous allons développer notre réseau, en prenant davantage de concessionnaires. C’était déjà la grande force de Maserati, d’avoir un maillage beaucoup plus étendu qu’ Aston Martin ou même Ferrari.

Combien de concessionnaires avez-vous ?

Nous avons 9 concessionnaires et 11 points de vente en tout.

Quel objectif avez-vous en termes de concessionnaires ?

Ce n’est pas définitif, car nous préférons avoir un réseau de qualité plutôt qu’un chiffre type. En tout cas nous allons l’augmenter, bien sur. Cette augmentation se fera au gré des opportunités. Pour l’instant nous avons beaucoup de candidats. Toutefois il ne s’agit pas de nommer des concessionnaires en un an, qui n’apprendront peut être ni l’image de la marque ni les contraintes qui pourront être fixées. Nous ne nous donnons donc pas un objectif définitif. Représenter en effet une marque de luxe est un investissement, nous avons des critères de représentation, tant en termes de personnel que de lieux de distribution.

En termes de personnel, il nous faut des équipes dédiées en après vente, marketing, et vente, ce qui n’est pas forcément le cas lorsque nous étions bi-brand. Quand Ferrari et Maserati étaient dans le même réseau, nous avions des équipes qui pouvaient s’occuper de plusieurs marques à la fois. Aujourd’hui, avec nos ambitions de volumes et les chiffres au niveau local, cela sera un travail à temps plein, il faudra un investissement plus important.

Quels moyens allez-vous mettre en œuvre ?

En 2015 nous pensons arriver à 1500 voitures en France. Cette progression va se faire naturellement par notre arrivée sur de nouveaux segments. Jusqu’à présent nous vendions des voitures à 150 000 euros ,  mais pour le SUV et la Berline, nous aurons un prix moyen autour de 80 000 euros pour des modèles équipés. C’est important, car nous divisons par deux les prix d’accès. Nous n’allons cependant pas prendre le risque de dénaturer l’image de Maserati, nous resterons dans un premium haut de gamme.

Au niveau du monde sportif  quelle est la place de Maserati ?

Nous serons forcément partenaires d’événements médiatiques, dans le monde de la voile, du bateau. Par exemple, Maserati possède un bateau qui porte son nom et qui s’attaque à différents records à travers l’Atlantique. Il a été mis à l’eau en avril dernier avec, à son bord, Giovanni Soldini, un navigateur italien reconnu, qui s’attaquera donc aux records. Evidemment nous faisons le parallèle entre le coté high-tech et haut de gamme de la navigation et celui de nos voitures.

En Italie, pour être honnête, les 120 voitures françaises n’intéressent pas grand monde. Le marché est surtout aux Etats-Unis et en Asie. Nous ne sommes jamais que l’une des filiales d’une société.

La stratégie imaginée au siège n’est pas liée aux spécificités locales mais, même si nous présentons nos voitures à Détroit,  Shangai ou  Pékin lors de salons, cela restera toutefois moins prestigieux, moins fréquenté que les salons de Paris ou de Francfort. Donc les marchés américain et asiatique, ce sont 70 % du chiffre d’affaires. Toutefois le marché asiatique va continuer à croitre, et quelques « nouveaux riches » vont encore arriver.

Parfois je me demande si ce qui est demandé à Maserati ce n’est pas  » Mission Impossible » ?

Honnêtement, ce qui se passe pour Maserati est unique dans l’industrie automobile. Peu de marques ont  effectivement l’ambition de multiplier par huit ou dix leur production dans les trois prochaines années. Une autre usine sera construite aux Etats-Unis, notamment pour produire la SUV, ce qui nous permettra de pouvoir rayonner au niveau international plus facilement.

Tout cela pour dire que Maserati est reparti de zéro en 1998, à leur reprise par le groupe Fiat. Nous sommes donc relativement fiers du chemin parcouru, nous gagnons de l’argent, tous les ans un peu plus depuis le début de la crise. Pour soutenir notre ambition et élargir cette gamme là, j’ai demandé des moyens en marketing et en communication largement supérieurs à ceux que j’avais eus jusqu’à maintenant. Nous avons toujours atteint nos objectifs.

Naturellement les gens comparent Maserati à d’autres marques : Aston Martin vend moins de voitures que nous, et ils sont dans une situation plus difficile que la nôtre. Aston ne s’est jamais donné les moyens de se donner une représentation au niveau français par exemple. Pour des clients haut de gamme, le maillage, la couverture du territoire est importante, comment fait-on lorsque l’on est à Nantes ou Nice !

Par rapport à des marque comme Aston Martin, qui apparaît dans le nouveau James Bond, quels sont  vos atouts-communication ?

Ce dont nous sommes fiers en France, c’est  d’être dans « Intouchables ». C’est une stratégie que nous avons pu réussir au niveau local – ce sont des paris qui réussissent de temps en temps, cependant c’est très rare-. On ne peut pas, en lisant un script, savoir à l’avance si on va toucher le spectateur. En l’occurrence, ce film a servi à démocratiser la voiture, et à rendre nos clients extrêmement fiers car ils étaient regardés différemment.

Maintenant nous allons pouvoir nous organiser davantage, c’est déjà le cas au niveau du commerce car nous aurons comme nouveau directeur des ventes un ancien directeur des ventes d’Alpha.  Le nouveau directeur des ventes est secondé par une personne en charge de faire évoluer le réseau, donc cela fait deux personnes chargées du commerce, jamais nous n’avions eu cela depuis la création de la filiale.

Au niveau du marketing et de la communication, moi-même je suis aidé par Sébastien Morand qui m’y seconde, et nous travaillons en étroite collaboration avec l’agence Pascale Venot. Tout cela pour vous dire que petit à petit, nous nous donnons les moyens d’arriver à cet ambitieux résultat.

Jean Cousin

 

 

 

 

 

 

 

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