A l’origine de Jack et la Mécanique du Coeur un roman, le troisième de Mathias Malzieu, romancier et également chanteur du groupe de rock Dyonisos. Paru le 22 octobre 2007, La Mécanique du coeur accéda au statut de best-seller en figurant pendant plus de 20 semaines dans le peloton des livres les plus vendus en France. Aujourd’hui 
La Mécanique du oeur est devenu un film produit par Luc Besson. La magie du grand écran, les ressources de l’animation et un livret musical complexe donnent à voir, entendre et suivre un merveilleux conte philosophique.
Jack et la Mécanique du Coeur est effectivement un merveilleux conte qui tisse un faisceau de sens en entrelaçant sur le mode mineur des thèmes légendaires. Au gré de la progression difficile d’une jeune femme le long d’Arthur’s Seat, un chemin escarpé qui surplombe « la plus haute colline d’Edimbourg », l’histoire de Jack se construit avec une précision d’orfèvre. Dès les premières images cette mécanique échappe à tout cliché hollywoodien. Un amour malheureux, une jeune femme gravit péniblement une falaise 
qui surplombe une ville aux mille clochetons, aux ruelles sinueuses bordées de maisons biscornues. C’est l’hiver, c’est » le jour le plus froid du monde » et le givre pétrifie même l’oiseau rouge qui s’enfuit. Epuisée elle tombe à quelques pas de la porte d’un étrange maison perchée à la pointe de la falaise. Et celle qui est accouchée par le Docteur Madeleine, sage femme extraordinaire, magicienne de l’impossible, lui abandonne le bébé né avec un coeur pris dans la glace de cette nuit la plus froide. A la place du petit coeur Madeleine confectionne une merveilleuse mécanique qui donne vie au très jeune enfant.
Mais comme dans tout conte véritable ce don est soumis à trois conditions: Premièrement ne touche pas à tes aiguilles. Deuxièmement maîtrise ta colère. Troisièmement, ne te laisse jamais, au grand jamais, tomber amoureux. Car alors….
Et c’est ainsi que se met en route la mécanique du coeur de Jack. Tous les éléments du conte prennent vie et sens au rythme d’une narration pétrie de poésie, et d’invention visuelle et musicale. Le monde de Jack se peuple de personnages pittoresques et attachants par leur fantaisie. C’est Arthur à la colonne rouillée, ce sont les deux tantes bariolées: Anna la « grande rose fanée » et Luna « la chatoyante blonde unijambiste ». C’est Méliès un autre magicien et la femme à deux têtes. Mais c’est une mécanique cruelle qui lui fait aussi découvrir l’amour-coup-de-foudre, qui sème en lui le désir fou de retrouver Mademoiselle Acacia, la petite chanteuse qui n’aime pas les lunettes. Cette quête insensée, comme nombre de quêtes amoureuses, initiera le héros à un monde de cruauté avec l’odieux Joé, le redoutable Jack l’Eventreur ou la sorcière-non-magique du train fantôme.
Les tribulations du héros s’enchainent au gré d’une quête picaresque. Son destin l’emporte d’Edimbourg à Paris, puis jusqu’en Andalousie au rythme d’un train fantastique, dont la lourde ferraille poussive se métamorphose en monstre ailé au fur et à mesure de l’approche de l’Extraordinarium.
Toutefois dans Jack et la Mécanique du Coeur la poésie sert une réflexion philosophique sur l’amour et la destinée. Là encore pas de mièvrerie, mais de la délicatesse. Cette mécanique poétique sert la mécanique des sentiments selon des processus d’associations d’images qui génèrent à leur tour des associations de sens. C’est une image complexe de la femme qui apparaît. Une mère naturelle disparaît et laisse la place à une magicienne. La jeune fille est d’autant plus cruelle qu’elle fut blessée et cessera de l’être trop tard. Les amies de Madeleine témoignent d’une simplicité qui agit en contre-point de sa sophistication intellectuelle et psychologique.
Le conte hésite entre l’enchantement et l’horreur au rythme de l’animation qui se joue des clichés qu’elle sublime. L’image développe la métaphore qui se file avec une facilité de prestidigitateur. C’est ainsi que la seconde rencontre de Jack et d’ Acacia se produit dans un train-fantôme. D’échos en échos, de sens dérobé en sens révélé le film progresse vers un dénouement qui ne dément pas la poésie de tout le film. Cet acte créatif procède sans didactisme, séduit plus qu’il ne démontre en pratiquant le mode de l’ellipse. Or dans ce jeu des images et des messages, dans ce dédoublement des personnages, dans ces jeux d’échos ou d’oppositions les symboles devenus images détiennent une puissance évocatoire nouvelle, parce qu’elle génère une nouvelle image et une nouvelle histoire. Cette abondance créatrice surréaliste développe une polysémie, un foisonnement des sens qui fait de ce film d’animation un divertissement d’une très grande qualité pour petits et grands.
Ce film d’animation séduit donc par les échos sur le cinéma lui-même, mais aussi par sa proximité avec les textes, et la transcription de personnages et de thèmes déjà abordés au décours de chansons du groupe 
Dyonisos.du Jack ou la Mécanique du coeur hésite entre émerveillement et lucidité. Dans ce jeu de l’animation autant que dans celui des sentiments réside une sophistication poétique qui ne s’appesantit pas. La poésie continuelle qui transforme le froid en une vague – au sens propre – de glace qui saisit l’oiseau rouge en plein vol, stoppera précisément avec la constatation de Madeleine: « Vous avez un oiseau gelé sur votre chapeau ». C’est la magie d’un conte qui fait croire à l’amour et donne aussi à en voir la cruauté, comme la générosité. Jack ou la Mécanique du coeur révèle l’une des réalisations les plus abouties du cinéma d’animation, un cinéma tour à tour drôle et poignant, un cinéma de création qui montre autant qu’il séduit. Au final plus qu’un divertissement, une expression créatrice pour petits et beaucoup plus grands. Dominique Grimardia.
Copyright Forks 2014.
Mathias Malzieu, La Mécanique du Coeur, album enfant et roman édition de luxe, éditions Flammarion.
Jack et la Mécanique du Coeur, fim de Luc Besson.
