Art & Culture, Movies, News 25/05/2025

Festival de Cannes 2025 : Paillettes ou Culture…

by La Rédaction

Sous le ciel azuré de la Croisette, la 78e édition du Festival de Cannes vient de refermer ses portes sur un palmarès très politique. Mais après une communication médiatique qui s’appuyait essentiellement sur des influenceurs, et aléatoirement quelques journalistes, un sentiment très mitigé demeure, si ce n’est l’image d’une construction baroque qui perdre son identité au Festival de Cannes.

Dans la pénombre feutrée du Grand Théâtre Lumière, Jafar Panahi, de retour sur la Croisette après avoir été privé pendant quinze ans de son passeport par les autorités iraniennes, a reçu la Palme d’or pour « Un simple accident ». Cette consécration dépasse le simple geste artistique pour devenir acte de résistance politique.
Leïla Slimani, membre du jury, résume cette dimension : « Ce qui est beau dans ce film c’est qu’il est politique et en même temps plein de grâce, parce qu’il nous ouvre à la possibilité d’une forme de rédemption, d’espoir et que, peut-être, ceux qui choisissent le bien, ceux qui ne choisissent pas de se venger peuvent aussi gagner la plus belle des batailles qui est celle de l’intégrité. »
Cette Palme d’or dessine les contours d’un festival qui se veut conscience du monde, gardien des libertés artistiques dans un contexte géopolitique tendu. Mais cette noblesse d’intention se heurte aux réalités d’un événement devenu une machine médiatique globale.

Les autres distinctions accordées tendent à une recherche de l’emblématique plus que du contenu.

Le palmarès complet révèle un paysage cinématographique riche : Grand Prix pour « Affeksjonsverdi » de Joachim Trier, Prix du Jury ex-aequo pour « Sound of Falling » de Mascha Schilinski et « Sirât » d’Oliver Laxe, Prix de la mise en scène pour Kleber Mendonça Filho (« O Agente Secreto »), Prix du scénario pour les frères Dardenne (« Jeunes Mères »), Prix d’interprétation féminine pour Nadia Melliti (« La Petite Dernière ») et masculine pour Wagner Moura (« O Agente Secreto »).
Cette distribution des récompenses traduit une volonté de célébrer un cinéma mondial, où l’Europe du Nord côtoie l’Amérique latine, où les voix émergentes résonnent aux côtés des maîtres confirmés. Sous la présidence de Juliette Binoche, ce jury cosmopolite a su tracer une ligne esthétique et éthique, privilégiant l’audace formelle et l’urgence du propos.
De même, une tribune de 300 personnalités du cinéma intitulée « À Cannes, l’horreur de Gaza ne doit pas être silenciée » a marqué cette édition, rendant hommage à Fatima Hassouna, photojournaliste palestinienne tuée par l’armée israélienne. Ces prises de position politiques révèlent un festival contraint d’assumer sa dimension géopolitique et qui ne peut plus ignorer le tumulte du monde.

Tom Cruise monument du cinéma Américain, mais pas du cinéma d’auteurs.

La présentation de « Mission: Impossible – The Final Reckoning » avec Tom Cruise particulièrement friendly , lors de cette 78e édition se fit en grande pompe. L’acteur américain a débarqué sur la Croisette dans un déploiement millimétré, accueilli par un groupe live jouant le thème de « Mission: Impossible ».
Cette orchestration spectaculaire interroge. Comment concilier la célébration d’un cinéma iranien de résistance avec l’apothéose hollywoodienne ? Tom Cruise incarne tout ce contre quoi semble lutter le choix de Panahi : le divertissement de masse face à l’art engagé, la machine commerciale face à l’artisanat cinématographique.

Robert De Niro à la lisière de plusieurs mondes

Robert De Niro, qui a reçu une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture, semble incarner une troisième voie. Figure tutélaire du cinéma d’auteur américain, l’acteur de « Taxi Driver » et « Raging Bull » représente cette époque bénie où Hollywood et exigence artistique n’étaient pas antinomiques.
« J’ai des sentiments très forts pour le Festival de Cannes. Surtout aujourd’hui, alors que tant de choses dans le monde nous séparent, Cannes nous rassemble : conteurs, cinéastes, admirateurs et amis. C’est comme si nous revenions à la maison », déclare-t-il avec cette émotion retenue qui caractérise ses plus grands rôles.
Dans ce décor, Robertb de Niro paraît emblématique d’un cinéma américain qui était aussi européen par certaines de ses recherches et son influence.

Les Influenceurs et le style qui « va avec « 

Les influenceurs dont la présence va croissante à Cannes creusent le fossé entre information et communication, entre journalisme et marketing d’influence.
Shana, 20 ans, 2 millions d’abonnés sur TikTok, invitée par Estée Lauder, revendique cette légitimité nouvelle : « Bien que nous allions aux mêmes événements, journalistes et influenceurs sont deux métiers totalement différents. Nous sommes là pour faire la promotion d’une marque à travers nos contenus, tandis que les journalistes produisent de l’information ». Cette distinction, apparemment claire, se brouille dans la réalité cannoise où les frontières s’estompent. Selon une étude de l’agence Reech, « 42 % des créateurs de contenu se considèrent négativement représentés par les médias ».
Cette cohabitation forcée entre les mondes Tik Tok et Instagaram crée une interrogation sur la politique médiatique du Festival de Cannes et, en filigrane, ces choix ne menacent-ils pas la lisibilité de l’événement cinéma. Une influenceuse aux deux millions d’abonnés sur Tik Tok déclare  » je veux montrer les back-stages de l’avant les marches, avec le choix de ma tenue, à l’après. Mais, je vais aussi filmer en me montrant face à la caméra . Je poste aussi une vidéo plus cinéphile sur les récompenses et les acteurs ».  Ce discours édifiant semble répondre au souhait de l’organisation du Festival de Cannes en termes de communication. Cette confusion, des journalistes comme Gaël Camba la dénonce quand il analyse l’interview d’ Enjoy Phoenix qui « n’est pas une interview, mais de la communication, un placement de produit biaisé ».
Le public, abreuvé d’informations contradictoires, peine à distinguer ce qui relève de l’événement culturel de ce qui appartient au marketing événementiel. Le festival devient ainsi victime de son propre succès, dilué dans un flot d’images et de messages où l’essentiel se perd.
La Mostra de Venise, par contre, a choisi une voie différente en s’écartant des choix du Festival de Cannes pour les médias sociaux.

This the end…

Le Festival de Cannes 2025 est terminé une Palme d’or à Jafar Panahi, mais marche après marche, sur le tapis rouge du Festival de Cannes que reste-t’il, dans l’imaginaire collectif ?
Du cinéma ou un grand barnum ?

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