1916, Verdun, quand la guerre devint aérienne

by Rédaction

En 1916 la guerre s’est installée sur le front de l’Est. Sous l’autorité de Joffre, les objectifs ont été définis depuis 1915: maintenir la pression sur l’ennemi, se donner les moyens de briser le front. Mais les Allemands surprennent Joffre, attaquent non pas la Somme, mais Verdun le 22 février 1916. 1916, c’est l’année du terrifiant combat pour Verdun et, face à la résistance imprévue des Français, les Allemands décident une guerre d’usure. 1916, c’est une année héroïque, une année du désenchantement, mais c’est aussi l’apparition d’une nouvelle forme de guerre: la guerre aérienne. Le musée de l’air et l’espace consacre une exposition à cette nouvelle forme de combat, intitulée Verdun la guerre aérienne.

musee-air-espace-expo-guerre-aerienne-1916-forks-magazineDe fait à la veille du premier conflit mondial l’aviation en était encore à ses balbutiements, son utilité restait à prouver. Beaucoup n’y voyaient qu’un moyen perfectionné de reconnaissance et de renseignements. Aux  avions on préfère le dirigeable. En 1916 l’aviation apporta la preuve de son utilité, et confirmera sa formidable capacité d’intervention. Ce n’est toutefois pas une arme totalement nouvelle: jusqu’à présent elle a été utilisée pour le renseignement. Le 3 septembre 1914  ce fut grâce à une observation aérienne que Gallieni découvrit que les Allemands changeaient de direction. L’ aviateur français Roland Garros a même conçu un système de synchronisation qui limite l’impact de la balle sur les hélices, un système qui sera d’ailleurs amélioré par l’allemand Fokker. En 1916, désormais équipés de mitrailleuses synchronisées, l’aviation donc voit sa  mission se diversifier progressivement. Entre observation, photographies aériennes, réglage de l’artillerie, et bombardement, la chasse relève un  nouvel défi: la maîtrise du ciel.

Le musée AIR+ESPACE propose une exposition amplement documentée et illustrée à l’envi. Avions, maquettes, moteurs, équipements, photographies d’époque, affiches révèlent les multiples facettes de cette nouvelle forme de guerre, celle de l’affrontement aérien. Le parcours de la visite, en alternant les points de vues , donne un nombre incroyable d’informations à la fois sur les premiers avions de chasse – le visiteur peut d’ailleurs contempler un Nieuport sublimement restauré-, mais aussi sur tout le fonctionnement de l’aviation, et encore sur la perception par les civiles de cette nouvelle forme de guerre. Les découvertes se succèdent d’espaces en espaces de visite: surprenantes petites maquettes qui montrent la mise en oeuvre du système d’observation, l’ équipement cuir et fourrure de l’aviateur, cartes d’Etat-Major établies d’après les photographies aériennes, et photographies elles-mêmes.

Mais en sus de la richesse des objets et documents présentés, la qualité de cette exposition réside dans sa dimension humaine. L’utilisation de l’aviation a changé la perception du conflit. Désormais il n’y a pas qu’un front lointain. La guerre devient omniprésente, et les villes jusqu’alors épargnées, parce qu’à l’arrière, sont des cibles d’intervention. L’ aviation, en faisant des raids sur les capitales accélèreront la résolution du conflit par la suite, mais tout cela aura aussi eu un impact sur la population civile. Et cette perception du conflit est également mise en scène  grâce à des affiches de l’époque, des photographies de villes détruites. Comme le dit l’aviateur Joseph Gauthier dans une lettre du 12 avril 1916:  » Fin février je suis allé à l’aviation de Verdun, c’était le commencement de cette gigantesque bataille qui étonne le monde… Nous vivons au milieu de la mort ».

Il y a certes l’évocation des As avec le bolide conçu par et pour Guynemer, mais il a surtout une analyse très complète des tactiques et des hommes, de leur ingéniosité, des mythes et des réalités de ce nouveau type d’affrontement. Il est à souligner la qualité de l’ouvrage, VERDUN La guerre aérienne, paru sous la direction de Gilles Aubagnac et Clémence Raynaud, conservateurs au Musée de l’Air et de l’Espace. Abondamment illustré, il recèle de démonstrations, d’analyses et d’explications, bref passionnant.

Dominique Grimardia

Verdun La guerre aérienne, Musée AIR+ESPACE, Aéroport Paris-Le Bourget, jusqu’au 29 janvier 2017.

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