TAFTA, CETA, stop ou encore ?
Au salon Made In France une conférence sur le CETA a été l’occasion pour les entreprises françaises de percevoir certaines réalités du traité avec le Canada. Si les négociations entre les Etats-Unis et l’Union Européenne sur le projet de traité commercial transatlantique, TAFTA, sont interrompues, les partisans d’un grand accord de libéralisation totale entre les deux puissances économiques n’ont pas désarmé. L’affrontement se porte désormais sur le projet de traité entre l’UE et le Canada, le CETA, considéré par certains comme le cheval de Troie du TAFTA, et par d’autres comme un accord « exemplaire ».
Alors faut-il vraiment sauver le TAFTA (et son cousin le CETA) ?
Matthias Fekl, secrétaire d’Etat chargé au Commerce extérieur, de la promotion du Tourisme et des Français de l’étranger Guillaume Balas, député européen, membre du Groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen, Constance Le Grip, députée européenne, vice-présidente de la délégation française du groupe PPE au parlement européen. et Mélanie Eck, chef d’entreprise allemande et présidente de l’association KMU gegen TTIP ( KMU CONTRE CETA). L’échange a mis en évidence non seulement les enjeux contenus dans le projet de ce traité mais de surprenants rouages de l’administration européenne. Le CETA apparaît bien comme le pur produit de l’ultra-libéralisme, porte-parole de multinationales, sous couvert d’une supposée foi dans les vertus du libre-échange.
Mélanie Eck, chef d’entreprise d’une PME, tout en rappelant l’origine de son engagement a montré l’envergure du problème posé par le CETA. Le premier, et non le moindre, est l’aspect du traité lui-même, plus de 2000 pages uniquement rédigées dans un anglais d’une technicité hermétique. Mais passée cette barrière du texte, première opacité, l’enjeu du CETA dépasse au second plan un simple enjeu économique. Dans les clauses du CETA ce sont non seulement des engagements sur les Echanges de Biens, mais aussi sur les Services, la Protection des Individus et la Propriété Privée. Les incohérences apparaissent non seulement dans les clauses purement commerciales mais aussi dans tout l’environnement légal des différents temps d’un contrat, puisque sont concernées des marchandises, des hommes, et le droit de propriété sur ces biens matériels ou non.
Et, comme l’a également fait remarquer Mélanie Eck, alors que dans l’ Union Européenne il existe une certification sérieuse et unique reconnue, il n’en va pas de même dans les pays anglo-saxons, et surtout dans les pays d’Amérique du Nord. La norme commune à un État n’existe pas. Les règles sont édictées par 10 organismes privés. Autour de ces 10 organismes privés qui octroient des certifications, ce sont plus de 1000 autorités mineures qui ont toutes, elles aussi, la possibilité d’émettre un certificat. Et le client décide et paye à chaque fois pour obtenir un certificat. Et au final, pour le CETA ce ne sont plus les 10 premiers organismes qui sont prévus, mais 17 pour décider des normes qui s’appliqueraient en premier.
Exit donc le mythe d’une harmonisation des normes!
L’ analyse révèle donc des distorsions entre les deux marchés. Sous couvert d’une harmonisation, il semble bien que la politique européenne devienne donc responsable et doive assumer les déséquilibres engendrés par le CETA. Comme l’a fait remarquer Guillaume Balas, on peut être député européen, défendeur de l’Europe et un farouche adversaire du CETA. Il y voit une diminution du droit d’intervention des peuples au profit des multi-nationales et la protection d’intérêts privés au détriment de l’Europe. Il souligne qu’aucune étude n’apporte la preuve que le libre-échange ait été favorable à ’emploi. Dès lors s’impose la nécessité de reconstruire notre vision du commerce à l’intérieur de l’UE, et de remettre en cause les accords à l’international. Matthias Fekl, pour sa part, a rappelé que » voilà 30 ans que l’on supprime les règles et qu’il est l’heure de constater que cela ne fonctionne pas ». Son propos s’est axé sur l’opacité des négociations au niveau européen et souhaite que celles-ci soient mises en open data, alors qu’aujourd’hui les élus n’arrivent qu’en fin de processus.
Exit la théorie du libre-échange harmonieux, la théorie d’un commerce international qui réglerait de lui-même les échanges et pourvoiraient au bien-être de tous les peuples!
Il apparaît donc que la plupart des entreprises françaises n’ aperçoivent pas – ou ne le peuvent- les conséquences de cet accord avec la dixième puissance économique mondiale. A leur décharge il est certain qu’un document-traité de plus de 2000 pages n’est pas de nature à rendre celui-ci analysable pour les TPE et PME de l’Europe. En tout cas il ne semble pas apporter une solution rapide et claire pour les entreprises exportatrices françaises et européennes, ce qui devrait pourtant être l’objectif principal de ce type d’accord. Les résultats à court terme apparaissant sans signification, la question reste posée de l’utilité réelle du CETA.
Alors accord exemplaire et incontournable, ou nouvelle stratégie américaine pour pénétrer, dominer un rival d’importance sous le couvert d’un traité commercial?
La richesse de cet échange et la diversité des intervenants ont révélé que, malgré leurs différentes analyses, leurs points de vue convergent et mettent en évidence le danger sous-entendu par ces traités.
Alors NAFTA, CETA, encore ou stop ?
Dominique Grimardia