Cannes 2023 a été l’occasion de récompenser une femme, la réalisatrice Justine Triet. C’est un événement rare puisqu’ il n’y a eu, à ce jour, que trois réalisatrices qui ont obtenu une palme d’or à Cannes. Le film s’intitule « Anatomie d’une chute », une oeuvre aux facettes multiples, mais aussi le fruit d’une carrière construite pour aboutir à ce quatrième long métrage.
Le jury présidé par Ruben Östlund a couronné l’une des œuvres les plus créatrices d’une compétition qui peinait à séduire. Deux autres films ont été récompensés. « The Zone of Interest » de Jonathan Glazer a reçu le Grand Prix, et « Les Feuilles mortes » d’Aki Kaurismäki le Prix du jury.
La structure du film « Anatomie d’une chute » est basé sur une rivalité artistique en filigrane au sein d’un couple. Samuel le mari ou compagnon prépare des projets mais n’arrive pas à les concrétiser. De l’autre côté, Sandra qui a déjà écrit plusieurs romans connaît un grand succès. Le corps de Samuel est retrouvé au pied du chalet familial. C’est le début d’une enquête et d’un procès pour essayer de déterminer s’il s’agit d’une chute accidentelle ou d’un crime. Co-écrit par la réalisatrice et son compagnon, le réalisateur Arthur Harari, ce film, remarquable d’incertitude, suit le procès aux assises d’une écrivaine (Sandra Hüller) accusée de meurtre.
Il s’agit de montrer que rien n’est simple, ni descriptible. Toute certitude est réversible, la vérité n’est pas chose certaine.
C’est ainsi qu’ au terme du traditionnel marathon de deux semaines, on repart du Festival de Cannes sur une note de d’émerveillement et toujours aussi de regrets. Regrets de choix qui auraient pu s’imposer au jury, ou bien nostalgie d’ un manque d’audace de réalisateurs que l’on aurait aimé voir créer des films plus forts.
Sur la scène du Palais des festivals, Justine Triet aura été la seule artiste de cette cérémonie dévolue aux remerciements à délivrer une parole sentie, engagée. Elle a évoqué « la contestation historique de la réforme des retraites, niée et réprimée de façon choquante ». Elle s’est également insurgée contre « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend », laquelle est « en train de casser l’exception culturelle française ». Après Jane Campion, avec La Leçon de piano en 1993, et Julia Ducournau avec Titane en 2021, Justine Triet est devenue la troisième femme à recevoir la plus haute récompense cannoise.
La justice est à nouveau présente, cette année, à Cannes, au travers des films de procès. Elle y est définie comme un théâtre du flou plutôt que de la vérité étincelante. Depuis Anatomie d’une chute jusqu’au Procès Goldman, de Cédric Kahn, à la Quinzaine des cinéastes. Catherine Breillat situe partiellement son film, dont l’héroïne est une avocate, au travers de l’exercice au quotidien de son métier.
Sur la question de la parité , le Collectif 50/50 constate avec sept réalisatrices sur vingt et un cinéastes en compétition qu’il s’agit d’un record à Cannes.
L’Œil d’or, récent prix du documentaire toutes sections confondues, a couronné ex aequo Les Filles d’Olfa (Tunisie) et La Mère de tous les mensonges (Maroc), d’Asmae El Moudir, deux films qui analysent la société maghrébine, preuve de la capacité du Festival de Cannes à être représentatif d’un cinéma mondial.
Le palmarès complet du 76e Festival de Cannes
Palme d’or : Anatomie d’une chute de Justine Triet
Grand Prix : The Zone of Interest de Jonathan Glazer
Prix de la mise en scène : Tran Anh Hung pour La Passion de Dodin Bouffant
Prix du jury : Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki
Prix du scénario : Sakamoto Yuji pour Monster d’Hirokazu Kore-eda
Prix d’interprétation féminine : Merve Dizdar pour Les Herbes sèches
Prix d’interprétation masculine : Koji Yakusho pour Perfect Days
Caméra d’or : L’Arbre aux papillons d’or de Thien An Pham
Palme d’or du court-métrage : 27 de Flora Anna Buda
Mention spéciale du jury du court-métrage : Far, de Gunnur Martinsdottir Schlüter
Palmes d’or d’honneur : Michael Douglas et Harrison Ford
Clarisse Fabre et Jacques Mandelbaum
Jean Cousin