Ce soir, 21 décembre, sur le Rocher un tenace froid humide domine. Au Conseil National, dernière séance de l’année, et surtout veillée d’armes avant les prochaines élections du 24 février 2018.
Au programme: vote du budget primitif pour l’année 2018, présentation et mise au vote de trois lois: la première sur les blokchains, la seconde sur les naturalisations et l’ obtention de la nationalité monégasque, la troisième induite par la seconde sur les logements sociaux.
Le vote du budget est précédé d’une courte intervention de trois minutes des conseillers désirant s’exprimer. Fait notable, beaucoup choisirent de fustiger l’attitude du gouvernement dans leurs rapports avec le Conseil National dirigé par Serge Telle. Ils lui attribuent, semble-t-il, une démarche tendant à l’immobilisme. Les adjectifs et les remarques acides venant de conseillers ne souhaitant pas se représenter, et les réflexions en creux d’autres conseillers sur la réalité des objectifs économiques atteints – le tout accompagné de l’expression d’un sentiment de frustration- étaient corroborées par le peu de réalisations législatives concrètes face aux ambitions initiales.
La structure politique de la Principauté est en effet fondée sur la Constitution monégasque de 1962, modifiée en 2002. Le Prince en est la clé de voûte. Le gouvernement s’articule sur le Conseil National de 24 membres élus pour 5 ans au suffrage universel direct, et au scrutin de liste. A la tête du gouvernement, un ministre d’Etat, qui correspond au Premier Ministre, et le Conseil de la Couronne, composé de sept membres nommés pour 3 ans par le Prince.
L’élaboration des lois s’opère selon un système de navette entre le gouvernement et le Conseil National. Une proposition de loi est faite à l’initiative d’un conseiller, ou portée par un groupe. En séance publique celle-ci est attribuée à une commission mixte Gouvernement/Conseil National. Dans certains domaines la commission est tripartie. Une fois voté en commission, le projet de loi est présenté au Conseil National afin d’ être voté et rédigé comme loi par le gouvernement, puis promulgué in fine par le Prince.
Malgré les évocations de zones d’ombres budgétaires sur les dépenses et rentrées fiscales, le vote fut favorable au texte du budget. Serge Telle eut soin de rappeler les conséquences financières d’un retoquage du vote du budget primaire pour la Principauté de Monaco, dont justement les subventions pour les élections.
Vinrent ensuite les explications à propos de la loi sur les blochchains, présentées comme une opportunité pour Monaco. La loi qui fut votée est un facilitateur des activités de ce type, de par la souplesse du cadre légal mis en place.
Le grand débat fut celui des naturalisations. En effet les dispositions sociales sont particulièrement protectrices pour les monégasques. Il est constitutionnellement prévu une préférence nationale pour le travail. De même des aides très fortes pour le logement sont mises en oeuvre.
Or c’est en particulier la création de logements destinés aux monégasques qui poserait problème à l’horizon 2070. Car, plus que le coût de réalisation de programmes de logements sociaux, c’est le manque de terrains et l’immobilisation financière représentée par quelques 3000 logements sociaux qui pose question. S’ils étaient mis sur le marché, ils équivaudraient à une valeur de 2 à 3 milliards d’euros.
Serge Telle, secrétaire d’Etat du gouvernement, juste avant le vote, appuya fortement ce texte, et annonça que la loi votée bénéficiera de l’extrême diligence de ses services. La loi destinée à supprimer la naturalisation des conjoints de Monégasques fut finalement retoquée lors du vote, fait très rare dans le système consensuel mis en oeuvre.
De fait, un subtil équilibre est mis en place, pour que les projets de loi examinés en commission soient amendés et discutés avec le gouvernement. Le but est d’ obtenir, lors de ces échanges, un accord entre les parties, et la garantie du vote du texte de loi.
Lors de l’interruption de séance, à l’entrée principale du Conseil National, balayée par un vent glacial, Serge Telle, les traits légèrement marqués, fit remarquer en aparté à quelques conseillers nationaux de l’opposition que cette position et ce vote pourraient leur porter préjudice lors de l’élection de février. Un élu lui fit alors remarquer en substance qu’ils avaient eu le sentiment d’être « baladés », ceci expliquant cela. De toute façon rien n’est jamais simple sur le Rocher, ni d’ailleurs gagné d’avance.
Jean Cousin