Convention de la Belle Alliance à porte de la Villette à Paris. Un événement préparé de longue date, et attendu par ceux qui appuyaient la candidature du Chef de l’Etat. Ce moment devait être le départ de la campagne, un démarrage concomitant à l’annonce de la candidature de François Hollande. Or, sans celle-ci, cette convention apparut tel un grand paquebot qui continue sur sa lancée, sans gouvernail, ni moteur, ni commandant. Les discours, les arguments, les slogans, les vidéos réalisées pour cet événement apparurent décalés. Ils avaient en effet été conçus sur mesure pour mettre en avant le bilan du quinquennat, effacer opportunément les autres candidats, et apporter le soutien à celui qui devait être le seul candidat légitime du PS. Un candidat qui devait être le seul et unique recours en mesure de gagner, face au candidat des Républicains, François Fillon. Mais tout cela n’était plus guère d’actualité en ce samedi après-midi. La machine politique ainsi lancée, sans aucune réactivité, n’a pu dévier de sa route.
Bien sûr, avant les discours des ministres, des fidèles du Premier ministre apparurent bien opportunément autour du carré réservé à la presse, chargés d’apporter une analyse favorable à la future position de Manuel Valls. En résumé, à écouter l’un d’eux, Philippe Doucet, quelle que soit la tactique adoptée par le Premier Ministre, et le moment de se déclarer candidat, il ne pourra s’agir que de bonnes décisions stratégiques.
Lorsque vint le moment des discours des ministres Marisol Touraine, et Najat Vallaud-Belkacem, nous assistâmes à un curieux exercice. Le temps sembla s’être arrêté: leurs textes correspondaient à une histoire minutieusement mise en place, mais dépassée par l’annonce de François Hollande renonçant à briguer un second mandat.
Marisol Touraine ministre des affaires sociales et de la Santé évoqua en effet les « avancées » du système hospitalier sous François Hollande, les opposant aux fermetures d’hôpitaux que le programme de réduction des moyens de François Fillon rendrait automatiques, alors que son ministère a suivi scrupuleusement les préconisations indiqués par le rapport de l’OCDE pour la France, rapport qui avait été remis en grande pompe au chef de l’Etat en mars 2015. Or leur application scrupuleuse par le gouvernement d’Emmanuel Valls a entraîné des restrictions budgétaires importantes, dont celles appliquées au système de santé. Ironie de l’histoire, l’OCDE vient de préconiser l’inverse il y quelques jours dans son tout nouveau rapport sur les perspectives économiques pour les trente-cinq pays adhérents. Mais surtout, la présentation du ministre de la Santé fait l’impasse sur les mécontentements du monde de la santé, et en particulier sur le mouvement des infirmiers, qui ont manifesté à la rentrée, et dont les votes à l’élection présidentielle ne seront pas acquis.
Najat Vallaud-Belkacem minstre de l’Éducation nationale fut accueillie avec enthousiasme par les militants socialistes. Son discours pratiqua lui aussi la stratégie des impasses. Impasse sur les difficultés engendrées par le passage en force de la réforme des collèges. Impasse sur les conséquences électorales des grèves multiples de ces dernières années au sein de l’Éducation nationale, et consécutives aux différentes décisions prises par son ministère. Oubliant opportunément les lourdes conséquences électorales de ces choix, elle a concentré ses effets rhétoriques et mis en valeur plus la forme que le fond, usant de la métaphore d' »un visage magnifique », qu’il n’y avait pas lieu « de rougir d’avoir créé 60 000 emplois en cinq ans », d’avoir pu insuffler « l’égalité, l’équité », et s’arrogea » l’avantage de voir la vérité ». Et de conclure avec audace « Est-ce que l’on prend les gens pour des idiots? ».
Les écologistes, qui ont rejoint le gouvernement lors des élections régionales de novembre dernier, n’ont pas vraiment eu la possibilité de pouvoir présenter un bilan. Jean-Vincent Placé (Simplification) évoqua les efforts réalisés par François Hollande en faveur de la Cop 21, et Emmanuelle Cosse (Logement) se dit très heureuse du travail effectué. Toutefois l’expression « défendre notre bilan » revenait en boucle.
Puis vint l’instant du discours de Jean-Christophe Cambadélis qui, avec une grande habilité politique, avait conçu une Belle Alliance sur mesure autour de la réélection de François Hollande. Le premier secrétaire du Parti Socialiste se fit alors le tribun d’une victoire prochaine de la gauche. En quelques minutes il fit l’éloge de François Hollande « qui a fait face, et s’efface », prit le recul nécessaire en constatant que « nous sommes dans une nouvelle situation ». Balayant un douloureux présent, il évoqua l’avenir, déclarant qu’ « Il n’y a qu’une seule solution, il faut que la gauche soit au second tour ». Il fit un appel à l’unité en déclarant « Je lance un appel à Emmanuel Macron, à Jean-Luc Mélenchon à regagner la primaire de gauche ». Fidèle aux grands orateurs, il lança, « mettons de l’ordre » et acheva son discours par ses mots: « Levez-vous Peuple de Gauche ».
En réponse les militants scandèrent « Unité! Unité! » pendant que la Marseillaise clôturait un discours que, somme toute, un général romain dans le tumulte de la bataille n’aurait pas renié.
Jean Cousin