Il arrive que les positions d’Emmanuel Macron soient particulièrement surprenantes. Le discours prononcé lors de la Conférence des Evêques de France n’échappe pas à cette règle.
En lançant une invitation officielle aux autorités politiques et à celles de la société civile, l’ Église catholique a effectivement pris l’initiative de cette rencontre qui a eu lieu le au Collège des Bernardins à Paris.
La présence d’Emmanuel Macron s’inscrit dans une analyse complexe du rapport entre l’Etat et le catholicisme. Mais il est pour autant difficile d’affirmer qu’il s’agit d’un positionnement du Président de la République en faveur du Catholicisme en France.
Affirmant que le «dialogue était indispensable», Emmanuel Macron a évoqué les contours d’un lien qu’il souhaite renouveler avec l’Église catholique. Il y a fait part qu’il lui semblait que, depuis plusieurs années, «les politiques ont profondément méconnu les catholiques de France», ou ne les ont considérés que comme un électorat, taclant (sans les nommer) au passage François Hollande et François Fillon. Et dans son discours le Président de la République a souhaité évoquer Paul Ricoeur qui affirma même être devenu philosophe pour ne pas devenir schizophrène.
Le fait est que, dans ses discours, Emmanuel Macron semble avoir à coeur de toujours présenter une multitude de messages. En l’occurrence, dans ce discours prononcé lors de la Conférence des évêques de France, le rappel de Paul Ricoeur en véhicula un. Emmanuel Macron s’ est appuyé sur la conférence prononcée par le philosophe à Amiens en 1967, et a considéré que les propos de Ricoeur de « maintenir un but lointain pour les hommes, appelons-le un idéal, en un sens moral, et une espérance, en un sens religieux» étaient « les mots justes » . Ne faut-il pas aussi y voir une métaphore de son action politique en tant que président de la République?
De même plus loin: « Ce soir-là, face à un public où certains avaient la foi, d’autres non, Paul Ricoeur invita son auditoire à dépasser ce qu’il appela « la prospective sans perspective » avec cette formule qui, je n’en doute pas, nous réunira tous ici ce soir : « Viser plus, demander plus. C’est cela l’espoir ; il attend toujours plus que de l’effectuable. »
S’agit-il encore là d’une évocation de la politique qu’il souhaite imposer aux Français depuis son élection? Mais là se pose la question de la justesse de la répartition des efforts demandés aux Français par le gouvernement d’Edouard Philippe. Et les sondages transmettent une perception et une acceptation pour le moins mitigées de ces mesures politiques.
Ou encore: “Ce qui grève notre pays – j’ai déjà eu l’occasion de le dire – ce n’est pas seulement la crise économique, c’est le relativisme ; c’est même le nihilisme ; c’est tout ce qui laisse à penser que cela n’en vaut pas la peine. Pas la peine d’apprendre, pas la peine de travailler et surtout pas la peine de tendre la main et de s’engager au service de plus grands que soi. Le système, progressivement, a enfermé nos concitoyens dans « l’ à quoi bon » en ne rémunérant plus vraiment le travail ou plus tout à fait, en décourageant l’initiative, en protégeant mal les plus fragiles, en assignant à résidence les plus défavorisés, et en considérant que l’ère postmoderne dans laquelle nous étions collectivement arrivés, était l’ère du grand doute qui permettait de renoncer à tout absolu.”
Depuis son élection, à de nombreuses reprises, Emmanuel Macron a signifié un intérêt très marqué pour le dialogue avec les religions, dessinant par petites touches une conception très personnelle de la laïcité. Il l’a confirmé lors de ce discours: « C’est peut-être assigner là à l’Eglise de France une responsabilité exorbitante, mais elle est à la mesure de notre histoire, et notre rencontre ce soir atteste, je crois, que vous y êtes prêts. Monseigneur, Mesdames et Messieurs, sachez en tout cas que j’y suis prêt aussi. »
Toutefois la progression curieuse de ce discours interroge aussi sur ce qui pourrait apparaître comme une responsabilité morale implicitement présentée à l’Église catholique face aux effets de la politique sociale entreprise sur les plus démunis.