Lors de la conférence de presse sur l’école nationale de la magistrature, Éric Dupond-Moretti a concrétisé par des mesures ses prises de paroles. Le garde des Sceaux a exprimé une position qui fut longtemps la sienne en tant qu’avocat. Une fois devenu ministre, elle prend une tournure particulière, puisqu’il lui est dorénavant possible d’influencer réellement le cours de l’institution.
Eric Dupond-Moretti a tout d’abord présenté les actions engagées pour que des moyens supplémentaires puissent être accordés à son ministère. Son « premier constat est celui du dénuement de la justice : un trop grand nombre de; tribunaux n’ont pas encore les moyens humains et matériels pour fonctionner dans des conditions satisfaisantes ». Le second, « c’est l’engagement et l’enthousiasme de la majorité des magistrats ».
Vint ensuite la proposition de nommer Nathalie Roret comme successeur d’Olivier Leurent à la direction de l’école nationale magistrature, afin d’affirmer sa détermination » à assurer et restaurer la confiance des citoyens envers l’institution judiciaire », et de lutter contre « la force d’inertie de certains, la frilosité à moderniser l’institution, et la dérive d’une culture de l’entre-soi ».
Modifier le fonctionnement de l’école de la magistrature est un point déterminant. Depuis de nombreuses années l’avocat Éric Dupond-Moretti avait soutenu l’idée de la supprimer. Une fois ministre, bien que cela ne soit pas possible du fait de la proximité de la fin de quinquennat, remodeler le fonctionnement de celle-là demeure un objectif atteignable. La proposition remise au Président de la République de nommer directrice de cette école Nathalie Roret, avocate pénaliste et actuelle vice-bâtonnière du Barreau de Paris, en est l’une des illustrations. Le but est d’ouvrir l’école, et d’éviter un corporatisme de nature à éloigner la justice du citoyen. Ce choix est doublement symbolique: elle est la première femme à la tête de l’ENM, de surcroît avocate, alors que les deux tiers des magistrats sont des femmes.
Cette décision fait d’ailleurs suite à celle de poursuivre trois magistrats de Parquet National Financier. En réponse aux critiques, le ministre de la Justice a donné sa position: « En ce qui concerne le PNF, mes services ont écrit ce qu’il avait à écrire. J’ai dit ce que j’avais à dire, et je n’ai rien d’autre à ajouter. Mais la chronologie permet de nuancer ces propos, certains veulent que je sois dans un conflit d’intérêts, ériger cela en axiome, c’est-à-dire en quelque chose que l’on ne peut pas discuter. En réalité la chronologie plaide en ma faveur. Cette affaire date de quelque mois. Pour moi changer les choses date à l’ULM, cela remonte à plus de vingt ans ».
Les décisions d’Éric Dupond-Moretti semblent être perçues par une partie des magistrats comme des remises en causes systémiques. La réaction ne s’est pas fait attendre : les deux principaux syndicats de la magistrature ont appelé à se rassembler ce jeudi 24 septembre devant chaque juridiction, afin de protester contre le ministre de la Justice. Dans un communiqué de presse commun, l’Union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) déclarent « Depuis plusieurs jours déjà, l’institution judiciaire est clairement attaquée par son sommet et celui qui devrait la protéger, le garde des Sceaux ».
Jean Cousin