Bozar présente ce printemps une rétrospective Michael Borremans. Grâce à une scénographie qui joue sur le grandiose et l’intime, dans une aile majestueuse du Palais des Beaux Arts de Bruxelles, l’oeuvre de Michael Borremans se dévoile dans toute sa complexité.
L’oeuvre de Michael Borremans multiplie les jeux d’illusion, mixe les références culturelles, et propose au regard des tableaux qui semblent souvent énigmatiques. Le mystère naît souvent du personnage placé de telle sorte qu’il est impossible de saisir son expression. Anna (2003) regarde ses mains posées sur une table. En 2004 Anna paraît de dos, le spectateur voit un petit chignon et un chemisier blanc, un chemisier qui réapparaît dans The Ear, cette fois avec les cheveux nattés, en 2011. Dans cette oeuvre souvent le regard se dérobe, qu’il soit orienté vers un point inaccessible ou tout simplement évacué par la posture imposée au modèle.
La reprise de thèmes picturaux, savamment orchestrés dans cette rétrospective, instaure progressivement une lecture des tableaux à priori énigmatiques. Ainsi en est il du motif des tableaux intitulés The Load. Cette coiffe étrange saisie sous différents angles possède la faculté singulière de happer celui qui la porte. Homme, femme, enfant ? L’ ombre s’accentue, Une tache de couleur jaune apparaît dans le col, la forme suggère une ligne, une présence dont la réalité se dissout sous l’objet.
Tantôt la figure humaine est masquée avec l’ apposition d’un luisant masque ébène peint sur le visage ( The Angel, 2013), tantôt elle est effacée. L’ homme se réduit alors à des fragments de corps, qu’ils soient allongés tête-bêche dans un décor de coulisses ( The Bodies, 2005), qu’ils émergent, tronqués, d’une jupe octogonale rouge ( The Devil’s dress, 2011). Progressivement le personnage s’efface au profit d’une atmosphère qui joue sur une mystérieuse et diffuse impression d’absence.
Et dans cette théatralisation de l’effacement progressif de l’individu s’insinue la présence grandissante de natures mortes, que ce soit réellement un animal mort ( The Dead Chicken, 2013), un canard en faïence blanche, sans yeux mais avec un bec jaune ( The Duck, 2010), ou un biscuit en robe rouge, projeté par son ombre hors du tableau (The Glaze, 2007).
Cette rétrospective As sweet as it gets , en présentant les oeuvres les plus imposantes par leur format, The Angel ou The Avoider, mais également les installations des Fingerwomen ( 2007), les séries intitulées German I, II, III, The Walk, ou l’élaboration de The House of Opportunity ( installée au musée du Louvre en 2003) donne à voir une oeuvre qui se construit, réfléchissant les influences d’illustres prédécesseurs, de Vélasquez à Manet ou Ensor, mais les dépasse. Elle s’inscrit dans une dimension très contemporaine par la démultiplication des dimensions, les jeux de superpositions repris, travaillés par nuances. A travers cette réflexion dynamique sur le discours pictural qui assimile les apports plus contemporains des discours photographique ou cinématographique, Michael Borremans construit un monde mystérieux, fascinant et si proche. Dominique Grimardia. Copyright Magazine Forks.
Michael Borremans , Bozar, palais des Beaux Arts, rue Ravensteinstraat 23, 1000 Bruxelles – Brussels, jusqu’au 3 août 2014, puis au Tel-Aviv Museum of Art et au Dallas Museum of Art. Commissaire Jeffrey Grove.