Gabrielle Chanel : Manifeste de Mode

by Rédaction

Toute sa vie Gabrielle Chanel alla au-delà des limites de son époque, brisa les tabous et s’imposa. Elle construit sa légende dès son adolescence. Attirée par la scène, elle chante dans les cafés de Moulins et conquiert à 14 ans le surnom qui l’accompagnera désormais, Coco. Deux ans plus tard elle ouvre son premier atelier, un atelier de modiste au 160, boulevard Malesherbes à Paris, aidée par Lucienne Rabaté. Un an plus tard c’est l’ouverture de la boutique « Chanel-Modes » au 21, rue Cambon. Deux ans plus tard, le 1er octobre 1912, le Women’s Wear Daily américain parle de ses chapeaux.

D’abord modiste, Gabrielle Chanel ajoute à ses collections de chapeaux ce qui s’appellera le sportswear: des marinières, des paletots et des blouses. Dynamique, elle mène énergiquement sa carrière. Pendant la première guerre mondiale, en 1915, elle inaugure sa première maison de couture à Biarritz. Trois ans plus tard, c’est la naissance de l’adresse emblématique de Chanel au 31 rue Cambon à Paris. Il lui aura fallu 9 ans pour fonder ce qui demeure un siècle plus tard une marque de Couture emblématique.

Des parfums, le N° 5 puis le N° 22, Une ligne de maquillage, des bijoux fantaisie, des tissus, rien n’échappe à la créativité de Gabrielle Chanel. Après une retraite de 14 ans, le 5 février 1954, elle dévoile une nouvelle collection. Le Vogue américain dévoile le tailleur Chanel porté par Marie-Hélène Arnaud, mannequin et Chanel girl. Les créations se succèdent: le sac matelassé en agneau plongé et bandoulière en chaine baptisé 2.55; une eau de toilette masculine 3 pour Monsieur », le premier soulier bicolore créé avec le bottier Massaro. La reconnaissance de son talent hors norme aussi. Depuis la déclaration «  Seulement Chanel N° 5 » de Marilyn Monroe, à l’Oscar de la Mode remis par Stanley Marcus à celle qu’il considérait comme « la créatrice la plus influente du XXème siècle », en passant par la présentation du flacon de l’emblématique N° 5 au MoMA en 1959, jusqu’à la tragédie de Dallas, Chanel est partout.

Si aujourd’hui cette maison incarne l’un des esprits Couture, l’exposition Chanel présentée par le Palais Galliera s’attache au travail de cette créatrice qui n’est plus celui d’une couturière, mais d’une architecte du style. Et ce Manifeste de mode décrypte la construction de ce style, en présentant plus de 350 pièces datées des années 1910 à 1971, année de la mort de cette créatrice, L’exposition inaugure la restructuration du Palais, premier musée permanent de mode à Paris, et envahit les espaces du rez-de-jardin aux galeries voûtées habitées par ces créations qui accompagnèrent une révolution de la place de la femme, de son allure, et la conquête de sa liberté.

Cette conquête de la liberté, Gabrielle Chanel la construit tout en se construisant. Le parcours chronologique initie à cette analyse du corps féminin, de son mouvement, et l’élaboration de codes nouveaux. Pas de fioritures, d’ornement baroque. Le travail de Gabrielle Chanel, c’est un travail de taille, d’élimination, de rabotage de toutes ces courbes superfétatoires. La recherche poursuit la pureté d’une ligne qui met au point une construction nouvelle de la manche, accompagne le mouvement d’une silhouette androgyne. La femme n’existe plus en fonction ornementale d’un référent masculin omnipotent. Elle est mouvement, et désormais libre de ravir à la mode masculine une cravate, un canotier, un pardessus aux lignes fluides, souligné par des poches où elle enfonce ses poings.

Cette émancipation, Lilou Marquand, l’assistante de Chanel les dernières années de sa vie, la résuma radicalement: « Avant d’être une marque, Chanel fut une aventurière ». En refusant les codes sociaux, Chanel dénonce et en instaure de nouveaux. Anticipant l’évolution de la femme, elle imagine son futur et donne une existence à ce qui n’était qu’un rêve, un refus, une anticipation. Ses vêtements travaillent la mobilité du corps, ils annoncent la mobilité sociale. Les coupes empruntent leur lignes à l’univers de la mode masculine, à des costumes ethniques, la femme se dévoile dans une silhouette de dandy androgyne, habillée de tweed rustique, ou de jersey mouvant.L’équilibre joue de la simplicité, la sophistication se loge dans le travail et la qualité des matières.

Comme en architecture avec Robert Mallet-Stevens, Charlotte Perriand, Gabrielle Chanel refuse le détail anecdotique. Son tailleur joue la simplicité ultime: une jupe droite légèrement pincée, une veste à deux ou quatre poches, et une blouse. Simple la veste joue sur l’allure d’un cardigan, débarrassée des entoilages. Le raffinement naît d’un bouton sophistiqué comme un bijou, d’un souple galon tissé main, de ganses, de piqures appliquées, incrustées, ou nervurées. Et, au coeur de ce panorama théâtralisé de toute une vie de création, la présentation de pièces de haute joaillerie rarement présentées.

Si en raison du confinement, le musée est fermé, l’exposition, elle, est au rendez-vous de la Nuit européenne des Musées ce 14 novembre, dès la tombée de la nuit, une nuit numérique encore plus accessible à tous.

Gabrielle Chanel. Manifeste de Mode, Palais Galliera, musée de la mode de la Ville de Paris, 10 avenue Pierre Ier de Serbie 75116 Paris, jusqu’au 14/03/2021.

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