Gisèle Freund à la fondation Yves Saint Laurent

by Rédaction

Dans le temple de la mode  la fondation Yves Saint Laurent présente la quintessence de l’activité littéraire de la fin des années 30.

Au travers de portraits réalisés par Gisèle  Freund, c’est un ensemble d’une centaine de photographies qui regroupent notamment quelques planches de contacts très intéressantes. Réalisées dans les années 30 en Allemagne, certaines montrent les manifestations qui se déroulèrent à l’aube de la seconde guerre mondiale.

Mais la partie la plus intéressante de l’exposition demeure celle consacrée aux portraits en couleurs, quoique moins bien connus que les fameux portraits en noir et blanc, dont celui d’André Malraux jeune qui  illustre cet article. C’est une quarantaine de portraits couleurs, réalisés sur une courte période, mais qui enthousiasmèrent  véritablement les écrivains contemporains de Gisèle Freund

A cette époque en effet la plupart des magazines et quotidiens étaient en noir et blanc, la couleur, d’un usage exceptionnel, apporte aux clichés une modernité quasiment d’avant garde. Sur ce point Gisèle Freund déclara:  « C’est en 1938 que je découvris la pellicule en couleur. […] Kodak et Agfa fabriquaient une pellicule en couleur que je pouvais employer dans mon Leica. […] Mes trois premières images furent : un signal lumineux, une affiche Byrrh et la devanture d’un coiffeur ». Gisèle Freund, in « Le Monde et ma caméra »  éditions Denoël, 1970.

Mais, au delà de sa curiosité pour les avancées techniques en photographie, la passion de Gisèle Freund pour la littérature contemporaine lui permit de rencontrer et surtout de  se lier d’amitié  avec nombre de gens de lettres, et surtout de les photographier. Paul Valéry, James Joyce, Ezra Pound, Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, André Gide, Nathalie Sarraute, André Breton, Jacques Prévert et beaucoup encore… Elle profitera de ces rencontres pour réaliser ses premiers portraits en couleur, grande première dans ces années d’avant guerre, que l’exposition a choisi de mettre en valeur avec le choix des clichés  qui vont de 1934 à 1940.

Mais ces clichés ne présentent pas seulement un intérêt documentaire ou littéraire, voire mondain. L’usage de la couleur était alors rare, et l’usage de la Kodachrome une prouesse technique, car cette artiste travaille à l’époque de la création de cette pellicule. Ce film inversible (diapositive) de marque Kodak est effectivement très peu sensible, avec seulement 8 ASA. Une grande dextérité est  donc nécessaire pour obtenir des images nettes.  Autre révolution: l’usage de la pellicule au format 35 mm permet d’enregistrer 36 vues, ce qui s’avère une grande avancée technologique et surtout permet de constituer cette anthologie du monde littéraire.

Dans ces clichés affleure tout un monde de création: littéraire, artistique, à la veille d’années terribles. En mars 1939, Adrienne est encore présente pour montrer ces photos dans sa librairie. Romain Rolland, André Breton, et Jean-Paul Sartre  y voient ainsi leurs portraits couleurs projetés en grand. Parmi ces images figurent aussi Louis Aragon, Walter Benjamin, Jean Cocteau, Colette, Marcel Duchamp, T.S. Eliot, James Joyce, André Malraux, Elsa Triolet. Gisèle Freund défie les conventions et photographie aussi des femmes qui se revendiquent comme lesbiennes, telles Virginia Woolf, Vita Sackville-West, ou Sylvia Beach, une de ses amies.

Ce sont tous ces portraits que l’exposition à la fondation Yves Saint-Laurent présente.

En marge de l’exposition, il peut aussi être passionant de lire ou relire l’ouvrage  de Gisèle Freund Photographie et société, (Seuil, 1974). Qiu esy en quelque sorte l’aboutissement de la remarque faite en  1936,  qu’« avec la photographie, une fenêtre s’ouvre sur le monde.

Jean Cousin

Forks magazine
© Forks 2011

Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent

 

5 avenue Marceau, 75116 Paris

+33 (0) 1 44 31 64 00

 

 

 

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