Nous nous trouvons devant une situation inédite, car au-delà de la défaite des candidats LR et du PS, le vrai danger vient de ce qui n’a pas été fait durant la campagne pour les présidentielles. C’est-à-dire qu’il n’y a pas eu de vrai débat sur les programmes des candidats, et ceux qui, comme Benoît Hamon, avaient un programme ont été inaudibles.
Quant à François Fillon, les erreurs des instituts de sondage sur sa présupposée éviction au premier tour des primaires de la droite n’ont pas pu permettre, dans un premier temps, une réelle évaluation des conséquences de son programme. Puis, une fois désigné comme candidat des LR, les affaires ont totalement escamoté une analyse raisonnable des possibilités de réussite de son programme, fondé sur des mesures lourdes, accompagné de paris et d’ incertitudes fortes.
Dans la course à la présidentielle .Jean-Luc Mélenchon a pu profiter de la brèche, tardive, ouverte par les primaires de la Belle Alliance. Il a ainsi pu prendre un avantage dans les sondages en quelques jours, car il a su habilement amplifier, et surtout faire capitaliser sa capacité à utiliser les médias sociaux et internet. Cela, malgré des éléments particulièrement préoccupants son programme, comme la sortie de la France de l’Europe des 27.
Pour Benoît Hamon, pris par les négociations internes au PS, puis par celles avec Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot, il y a eu comme un grand silence radio, alors que les autres candidats oeuvraient sans cesse à mettre en avant leurs idées. D’une certaine manière, sa défaite électorale tient peut-être au temps trop long mis par le candidat socialiste se mette en ordre de marche. Une plus grande réactivité, quitte à être un peu plus brouillon, aurait pu stopper l’avancée de Jean-Luc Mélenchon, et l’impact des déclarations de quelques ténors du parti qui ont rejoint Emmanuel Macron.
Le suspens qu’Emmanuel Macron a entretenu pendant de longs mois sur son programme qui, une fois dévoilé, ne fut pas non plus l’objet d’importants débats, devient son plus terrible talon d’Achille. En effet, si l’on fait en effet abstraction de la présentation moderniste et sociale réalisée par le candidat d' »En Marche », il s’agit d’un programme dont certains éléments sont suffisamment libéraux pour que Marine Le Pen puisse s’en saisir aisément. De fait Marine Le Pen fait de la sortie de l’Europe son cheval de bataille, accompagné de mesures sociales comme le retour à la retraite à 60 ans. En ce cas la comparaison avec le programme d’Emmanuel Macron peut être particulièrement favorable à la candidate, surtout dans les débats télévisés à venir.
Devant ce danger, à la suite du Conseil National du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a pris toute la mesure du risque politique. La déclaration qu’il a faite ce lundi à midi est sans état d’âme. Après l’appel de François Fillon et Benoît Hamon à voter pour Emmanuel Macron, le PS enclenche une opération que le Premier Secrétaire du Parti socialiste explique en ces termes: « Le parti socialiste a toujours été l’ardent défenseur de la République. Il l’a maintes fois démontré, jusque dans le coeur de la nuit de l’Occupation. Le parti socialiste a toujours défendu le principe du barrage républicain » (…) » Ainsi nous allons nous lancer pour faire triompher la République le 7 mai prochain. Dans quelques heures, un tract sera publié à 4 millions d’exemplaires, plusieurs centaines de milliers d’affiches seront imprimées et placardées partout en France, des milliers de porte à porte et des centaines de réunions seront organisées par nos élus et militants tout au long des prochaines semaines ».
Cela a pour conséquence de certainement défendre les valeurs du PS, bien qu’apparemment la communication internet ne soit pas au programme, mais surtout de faire entendre sa voix dans le cadre des législatives à venir, et peut être de transformer, autant que faire se peut, une défaite à la présidentielle en victoire au Palais Bourbon, surprenant retour de l’histoire.
Jean Cousin, Dominique Grimardia
