Katowice ou les paradoxes d’une ville du futur

by Rédaction

Aujourd’hui lorsque l’on prononce le nom de Katowice, il est aussitôt associé à la COP 24, la vingt-quatrième Convention des Parties. Après avoir présidé la COP 5 à Bonn en 1999, c’étaitt la troisième fois que la Pologne recevait une COP après la COP 14 qui s’était tenue à Poznan, et la COP 19 à Varsovie.

A l’extrême sud de la Pologne, la province frontalière de Silésie, dont Katowice est la capitale, s’insère entre la province d’Opole à l’ Ouest et celle de la Petite Pologne à l’ Est. Même si la région de Katowice a été habitée très tôt par les silésiens, Katowice fut fondée au dix-neuvième siècle, à l’époque où la Silésie appartenait au royaume de Prusse.

Située dans une région montagneuse aux nombreuses ressources minières, notamment le charbon, la croissance de Katowice a suivi l’essor de la révolution industrielle et le développement de l’industrie de l’acier et de la transformation des minéraux. Ce passé de région et de ville minière constitue encore aujourd’hui l’âme de Katowice.

D’abord village, Katowice connut en effet une forte croissance démographique à partir de 1850 de par les besoins en main d’oeuvre engendrés par l’ exploitation charbonnière, et elle acquit le statut de ville en 1865. Habitée par des Silésiens, des Allemands et Polonais, avec une importante communauté de religion juive, Katowice devient polonaise lors de la Seconde République entre 1918 et 1921.

Aujourd’hui même si la dernière mine a fermé, Katowice a gardé l’âme d’une ville minière. Ses habitants comme les touristes peuvent se promener entre les anciens bâtiments de la zone d’exploitation minière. Ici la findu où était chauffée l’eau de la mine, plus loin l’ancien carreau de mine qui date du 19 ème siècle, là-bas 2 chevalets, ces tours en charpente métallique, et puis les bains, avec la salle des pendus où les mineurs laissaient leurs vêtements hissés à des cintres, avant de descendre dans la mine avec leur tenue de mineur. Tout l’ensemble, inscrit aux monuments historiques, a été conservé, restauré, restructuré.

Mais le coeur de Katowice la minière s’est métamorphosé en pôle culturel, avec musée et opéra. Et maintenant là où se tenait la mine et ses galeries c’est un musée d’une superficie au sol de 6000 m2 qui se déploie, souterrain, sur 25 000 m2 répartis sur 4 niveaux. Conçu par le cabinet d’architecture Riegler Riewe, l’ensemble, de verre à la surface et de béton sous terre, joue sur une découverte progressive à travers les chambres souterraines de la mine d’autrefois.

Au niveau le plus haut (-1) une galerie d’art polonais d’avant 1945 avec de magnifiques portraits et paysages, ou scènes de la vie quotidienne de peintres polonais et silésiens: Jan Matejko, Stanislaw Wyspianski, Joseph Mehoffer. Dans la section d’après 1945 figurent des tableaux d’influence impressionniste et surréalistes. Sans oublier des oeuvres modernes et conceptuelles de Tadeusz Kantor, Wadyslaw Hasior, Zdzislaw Beksinski, Jerzy Nowosielski et Grupa Lödz Kaliska. Mais aussi une magnifique exposition d’art naïf composée d’oeuvres réalisées par le « groupe » Gwarek , des oeuvres qui trouvent leur source dans la vie à la mine, la piété, le travail ou la famille.

La descente aux niveaux inférieurs traverse une exposition d’art sacré de Silésie et un parcours sur l’histoire de la Silésie. Au niveau le plus bas c’est l’univers de la mine, la reconstitution de l’univers des mineurs au travail et en famille. Tout est théâtralisé, animé par des mises en scènes interactives, illustré par des objets et des archives d’époque. L’ensemble, réaliste, donne à voir et à réaliser la vie des mineurs en Silésie.

La visite du musée trouve son complément dans la visite de la cité ouvrière voisine de Nikiszowiec. Avec la révolution industrielle le nombre d’ouvriers augmenta considérablement. En 1914, on comptait sur 450000 ouvriers 1/3 de mineurs. Et ce sont eux qui ont imprimé son identité à la région car toutes les villes où régnait l’industrie sidérurgique devaient leur existence au charbon.

Construit de 1908 à 1918 sur 15 hectares avec 9 quartiers, Nikiszowiec ressemble à une ville capable de vivre en autarcie, structurée autour de la fosse. Les architectes Emil et Georg Zillmann, ont conçu en sus des logements, des magasins, salles de fêtes, et une église consacrée à Sainte Barbe, sainte patronne de mineurs, qui était également présente dans des chapelles souterraines.

Cette cité, conçue avec un plan très étudié révèle une structuration de l’espace utilisé pour des familoki (immeubles familiaux de brique) et des maisons doubles destinées aux cadres supérieurs de la mine. Chaque immeuble donne sur une cour intérieure carrée ou rectangulaire avec un jardin. Chaque façade présente des détails architecturaux qui créent l’identité distincte de chaque immeuble.

La qualité architecturale est bien supérieure à celle des corons du Nord de la France, et révèle le statut particulier du mineur de Silésie , un statut qui génère encore aujourd’hui la reconnaissance sociale et le respect, sans oublier que les mineurs représentent aussi un groupe social important en dépit de la fermeture de mines.

Complémentaire des reconstitutions du musée de Katowice, Nikiszowiec conforte la compréhension du mode de vie des mineurs de cette région: une société solidaire aux valeurs traditionnelles évoluant autour du statut du mineur, tandis que la femme restait au foyer. Et pour appréhender la réalité de la mine, il est aussi possible de visiter la galerie de 14 km de chasse d’eau de la Mine Reine Louise à Zabrze.

En 2019, au lendemain de la COP 24, Katowice incarne la dualité du destin d’ancienne ville minière et celui d’une ville qui se construit en complexe technologique et culturel attractif dans une région et qui, comme le souligne l’adjoint au maire, Mr Waldemar Bojarun, s’efforce de mettre en place « une transition juste », même au prix de paradoxes énergétiques. Dans ces circonstances le discours de Greta Thunberg a confirmé la nécessité de l’émergence d’une nouvelle attitude face à l’enjeu climatique, hors des sentiers battus.  Et, en quelque sorte, Katowice symbolise tous ces paradoxes.
Dominique Grimardia

Y Aller:
Katowice est accessible par avion avec un transfert à Varsovie depuis la France par la LOT

Se restaurer:
Moodro Bistro & Café, ul Dobrowolskiego, 1a, 40-205 Katowice
Le Smaq, ul.Wojewodzkain, Katowice
Slaska Prohibicja, Krawczyka 1, 40-423 Katowice

Visiter:
Le Silesian Museum, ul. Dobrowolskiego, Katowice
Le quartier de Nikiszowiec
La Galerie de chasse d’eau de la Mine Reine Louise, Zabrze.

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