La BM du seigneur, ce titre pourrait sembler provocateur ou iconoclaste, car en fin de compte qu’elle est le rapport entre une BMW, objet consumériste de classification sociale destiné au paraître et Dieu.
Cette ambivalence est l’une des clés de ce film qui se situe tout comme son personnage principal, Frédéric Dorke, à la frontière des genres.
Fredéric, plus souvent Fred, est un Yéniche, un membre de la communauté des gens du voyage. Son job quotidien est de voler des voitures avec un pragmatisme teinté d’un sens religieux. Et c’est ce sens religieux qui va prendre toute sa dimension, lorsqu’une « apparition d’un envoyé de Dieu » qui lui confie un chien blanc. Cet émissaire divin va donner un sens nouveau à la vie du héros qui désormais ne devra plus voler.
Le chien signifie à la fois la représentation physique, une sorte de concrétisation du message divin, et le lien avec une pureté originelle.
En fin de compte Jean Michel Hue, le réalisateur de ce film, a été captivé par les Yéniches. Avant ce film il avait déjà réalisé plusieurs courts-métrages sur ce sujet. Une parenté lointaine avec les Yéniches serait à l’origine de cette fascination. Mais ce film n’est pas seulement le fruit de cette immersion dans ce milieu très particulier. Ce long métrage ne trouve pas son identité dans le seul fait que les personnages « jouent » leur propre rôle, certes adapté pour qu’une trame puisse exister. Le film procéde par un va-et vient continuel entre documentaire et fiction, tout en gardant une cohérence dans l’exploitation d’une certaine lenteur rythmique.
Il n’en demeure pas moins que « La BM du Seigneur » garde en filigrane l’idée qu’il semble difficile que la rédemption puisse exister. Son messager sera tué et il en ira de même des espoirs de vie nouvelle de Fred. On ne peut imaginer symbolique plus forte.
Interview Jean Charle Hue: [audio:https://www.forks.fr/wp-content/uploads/2011/01/Interview-Jean-Charle-Hue-1.mp3|titles=Interview Jean Charle Hue 1]
Le parcours de Jean Michel Hue lui a donc permis de réaliser un film dont les images sont très esthétisantes. Ayant travaillé dans la mode comme designer et réalisé bijoux pour Christian Lacroix avant de se consacrer à la réalisation, Jean Michel Hue parvient, avec la collaboration de Chloé Robert, à donner un caractère surprenant au regard qu’il porte sur sur la communauté des gens de voyages. En effet les images sont très belles, très épurés, un esthétisme à la Steve Hiett. Et la qualité de ce regard est destinée à s’approfondir puisqu’un nouveau rôle semble envisager pour un prochain film avec Frédéric Dorkel. Une rédemption serait-elle possible dans la vraie vie ?
Forks magazine © Forks 2011