La campagne électorale monégasque pour le renouvellement, ou la reconduction des 24 élus du Conseil National s’achève. Trois listes sont actuellement en lice pour le scrutin qui a lieu le 11 février 2018 en Principauté de Monaco. Il désignera les nouveaux membres du Conseil National. Les spécificités de cette élection sont nombreuses.
Premier point particulier: il n’y a pas de femme, ni d’homme, dont la carrière est exclusivement politique. Tous les candidats sont issus de la société civile. Il peut aussi bien s’agir de chirurgiens, de professeurs, d’assistantes sociales, que de dirigeants de société, ou de salariés.
Les frais de campagne sont plafonnés à 320 000 euros. Leur remboursement est effectué à 80%, dès lors que la liste obtient plus de 10% des voix. En outre aucun sondage n’est réalisé.
Enfin, lors de la dernière semaine de campagne, le Gouvernement prend en charge la mise en oeuvre d’un meeting par liste. Les soirées y sont attribuées par tirage au sort. Et l’usage veut que chaque tête de liste, accompagnée d’une partie de ses co-listiers, assiste aux meetings de ses adversaires. Cela n’empêche pas, à l’encontre des têtes de liste concurrentes, des « punchlines » qui peuvent être redoutables lors des discours des candidats.
Les programmes reprennent quasiment les mêmes thèmes principaux: le logement, l’ emploi des Monégasques, l’ Europe, les avancées sociales. Ceux-ci sont toutefois traités avec des nuances significatives, qui créent des démarcations sans ambiguïté entre chaque liste. Chacune d’elles présente en effet un programme en 100 points, qui touche une large palette de sujets. Ils ont trait à la vie quotidienne des Monégasques, du télé-travail aux problèmes de circulation, les enjeux urbanistiques ou la vie culturelle entre autres.
Trois listes sont en compétition.
La liste « Union Monégasque » présente à sa tête Jean-Louis Grinda, Directeur de l’Opéra de Monte-Carlo. Cette liste est composée de cinq membres du Conseil National sortant, et de 19 candidats. Au cours de cette campagne Jean Louis Grinda s’est affirmé comme le candidat d’ouverture, le candidat aux solutions parfois différentes. Et, mise à part « Horizon Monaco », les caciques « Union Monégasque » se considèrent dans une position de « challengers » face à Stéphane Valeri.
Jean-Louis Grinda se positionne en homme d’élégance attentif à la culture. Premier à se déclarer candidat, une alliance avec « Horizon Monaco », envisagée un temps, ayant avorté, il conduisit durant quelques semaines la présentation d’une liste complète de 24 candidats. Porteur de visions d’avenir, attentif, il a réalisé des débats par le Facebook du groupe politique « Union Monégasque ». Au nombre de ses propositions figure le projet de déplacer le stade Rainier III en front de mer, sur une nouvelle extension, afin d’utiliser pour des logements la surface gagnée. Certaines de ses propositions sont considérées comme iconoclastes par ses concurrents. Mais il fit preuve d’une combativité qui en étonna plus d’un pendant la campagne et, lors du débat qui l’opposa à Stéphane Valeri, sa prestation fut plus que réussie.
S’ il est élu Président du Conseil National, pour son action future, le point mis en avant est un slogan » Voir Grand ». Cela résume d’ailleurs fort bien son programme et sa volonté.
Un autre groupe se présente sous le nom « Horizon Monaco », avec comme tête de liste une femme, Béatrice Fresko-Rolfo. Considérée au début de la campagne comme la plus à même de gagner les élections, elle a l’atout d’être la première femme à prendre la tête d’une liste pour les élections nationales, et considère – à juste titre- que » Porter une femme à la tête du Conseil National sera un signal fort envoyé au monde entier ». Charismatique au sein de son groupe et dans ses contacts électoraux, elle n’arrive toutefois pas à utiliser pleinement ses capacités, ni lors du dernier meeting, ni avec la presse nationale.
Lors de cette campagne Béatrice Fresko-Rolfo est épaulée par Claude Boisson, conseiller national expérimenté, qui a accompli un parcours sans fautes. Avec l’appui de ses colistiers, il a inlassablement travaillé à la réussite de ce groupe.
Par contre, Béatrice Fresko-Rolfo a été déstabilisée par le format du débat à trois qui devait être tenu. Les urnes le confirmeront ou l’infirmeront. Jean-Louis Grinda, initiateur du concept, souhaitait avant tout débattre, que cela fut à deux ou à trois. Stéphane Valeri, tête de liste du troisième groupe, voulut, habilement, imposer un débat entre chaque candidat. Finalement, seul un débat entre Jean-Louis Grinda et Stéphane Valeri eut lieu. Et il se pourrait qu’il s’agisse du tournant de cette campagne pour le groupe « Horizon Monaco ».
Une fois Présidente du Conseil National, Béatrice Fresko-Rolfo résume ainsi sa priorité: « Ma liste sera celle de la probité morale, et de la transparence, pour oxygéner la vie politique monégasque ». Son engagement : « L’Etat doit apprendre à mieux gérer ».
Troisième en lice, « Primo », acronyme de « Priorité Nationale Monaco », est menée par Stéphane Valeri. Ancien Président du Conseil National pendant 7 ans, puis membre du gouvernement aux Affaires sociales durant 7 ans et demi, il a quitté ce poste le 31 mai 2017. Le 15 juin, à un confrère de Monaco Hebdo, qui lui demandait « Vous allez aussi vous relancer en politique? », Stéphane Valeri déclara: « Ma première priorité, c’est de réussir le développement du groupe Monaco Communication ».
Un peu plus de trois mois plus tard, Stéphane Valeri était la tête de liste de « Priorité Monégasque ». Son expérience dans la communication lui est pour le moins profitable. Sa campagne est puissamment organisée, avec spin-doctor, et une présence forte dans les colonnes de la presse locale. C’est un candidat à la personnalité complexe, extrêmement méthodique dans son action, dévoué entièrement à l’idée d’une politique tournée vers un certain Age d’or de Monaco. Ce dernier point est peut-être, toute proportion gardée, son talon d’Achille.
Sa campagne » à l’américaine » conjugue d’importants moyens financiers, un site web efficace avec de nombreuses présentations vidéo des évènements liés aux candidats, ainsi que des articles sur les priorités politiques du groupe. Ce dernier présente une parité toute relative de 8 femmes pour 24 candidats. Lors du meeting du 18 Décembre, à l’espace Léo Ferré, le groupe fit une démonstration de force, en annonçant et répétant à l’envi que 800 personnes étaient présentes – ce qui correspond peu ou prou à 15% du corps électoral monégasque.
L’estimation est peut-être optimiste, certes. Il n’en demeure pas moins qu’en assénant ses priorités que sont le logement, le refus d’entériner une négociation avec l’Europe qui porte la moindre atteinte aux statuts des Monégasques, Stéphane Valeri revendique la volonté d’être un homme fort, et le Président d’un Conseil National fort. Pendant son intervention lors de la clôture du meeting de vendredi soir, il l’a d’ailleurs répété. Les discours de ses co-listiers furent d’ailleurs d’une teneur fortement anxiogène. Stéphane Valeri y confirma ses prises de position précédentes, les objectifs majeurs du programme-logement, la priorité sans concessions aux Monégasques, l’extrême prudence face à l’Europe.
Pour ses adversaires, il s’agit d’une position de repli face au monde, peu propice aux intérêts de la Principauté. Les concurrents de Stéphane Valeri critiquent surtout sa lecture de la Constitution monégasque, une lecture qui, selon eux, n’est pas conforme, et opère un glissement vers un système monarchique parlementaire, ce à quoi ils s’opposent avec force.
Quant aux frais de campagne, seule « Union Monégasque » a répondu en toute transparence à notre question en annonçant 110000 euros de dépenses engagées.
Jean Cousin