Quoiqu’ Emmanuel Macron semble parfois s’en défendre, le symbolique de l’action a été un élément moteur lors de sa campagne électorale. Une fois élu Président de la République, tout porte à croire que dorénavant il poursuit cette volonté de porter son action autour de cette valeur. En effet, Président depuis seulement 14 jours, Emmanuel Macron a eu une semaine diplomatique forte. A son actif le G7, puis la réunion de l’Otan, et enfin l’accueil à Versailles de Vladimir Poutine lundi.
Lorsqu’il était candidat, Emmanuel Macron avait déclaré travailler sur le temps long, n’être pas concerné par les cent premiers jours. Tout concourt à montrer sa volonté de signifier que Président nouvellement élu, s’attache à la tache qu’il s’est fixé, celle de la refondation. Le Président agit sans délai, tant sur le plan intérieur avec la loi sur le travail, que sur le plan des relations internationales et celui de la politique étrangère.
Le déplacement du Président russe, présenté comme ayant été décidé très rapidement, a été opportunément construit autour d’une exposition au Château de Versailles sur la visite de Pierre Le Grand en France en 1717. L’importance qu’accordait le président français à cette visite fut signifiée dès l’accueil dans la cour du Grand Trianon, accompagné de tous les honneurs: garde républicaine et roulements de tambour. Poignées de mains franches. A cet instant Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, donnait le sentiment d’être particulièrement satisfait du contexte.
Par contre il apparut lors de la conférence de presse, qui débuta plus tard que prévu, que les entretiens qui avaient donc duré près de 3 heures ne furent pas chose aisée pour les deux présidents.
Le président français réaffirme les priorités diplomatiques de la France, alternant des sujets sans négociation envisageable et des assouplissements sur bien des points. Tout d’abord, le rappel que dans le conflit syrien « la ligne rouge que représente l’utilisation de l’arme chimique » implique des représailles avec une riposte immédiate. Mais, nuance politique importante, dans le cadre de la résolution du conflit, une nécessaire transition doit se négocier avec « l’ensemble des parties prenantes du conflit syrien, y compris les représentants de Bachar Al-Assad ». Dans le même temps, réaffirmation de la nécessité de renforcer le partenariat avec la Russie pour lutter contre le terrorisme. Sur ces points le président russe a déclaré « que le plus important est la lutte contre le terrorisme » et « que nous ne pouvons lutter contre la menace terroriste en détruisant l’Etat ».
L’Ukraine fut abordée globalement sans évocation précise de la Crimée, mais plutôt des zones de combats, puisque le président français insista pour évaluer le respect des accords de Minsk sur la prise en compte du travail d’analyse sur le terrain faite par l’OSCE: « faire la vérité sur les autorités locales » afin d’aboutir à une réunion au format « Normandie ». Seule possibilité pour Emmanuel Macron d’aboutir à une désescalade des sanctions.
Pour Emmanuel Macron une collaboration « plus intense entre nos sociétés civiles », des solutions »pragmatiques » est une nécessité, avec la mise en place de dispositifs de part et d’autre, de possibilités offertes aux étudiants afin d’étudier dans les deux pays.
Mais après les déclarations initiales de principe, les questions des journalistes furent l’occasion d’approfondir les positions respectives des deux présidents sur certains points. Tout d’abord Emmanuel Macron fut particulièrement clair sur sa perception (visions) des entretiens, en déclarant « quand j’ai dit les choses une fois, je n’ai pas l’habitude d’y revenir », prise de position ferme sur la situation des personnes LGBT en Tchétchénie et des Ong en Russie.
Il souhaita de même clarifier la décision d’exclusion prise envers les journalistes de Russia Today et Sputnik lors de sa campagne électorale, qui n’avaient pas agi en tant que média, mais en tant qu’agents d’influence ».
Toutefois la lecture des noms des principaux mécènes de l’exposition, Gazprom, Novatek, Natura Siberica, éclaire sous un autre angle cette visite, un angle qui peut expliquer les positions excessives prises par ces médias à l’encontre du candidat Emmanuel Macron. En effet l’homme fort du Kremlin, qui bénéficie de résultats électoraux dont beaucoup de dirigeants européens souhaiteraient pouvoir s’enorgueillir, a peut-être besoin en termes de politique intérieure russe d’offrir le sentiment que les relations avec la France ont changé, et que le temps de la fin des sanctions est désormais venue. Les réactions enthousiastes des médias russes lorsque François Fillon fut vainqueur de la primaire, ou les appuis et les signaux diplomatiques adressés à Marine Le Pen à la veille du second tour, ont été marqués, mais ces soutiens n’ont pas porté leurs fruits puisqu’aucun des ces deux candidats n’a pu accéder à la fonction présidentielle.
De même en salle de presse, temporairement installée dans la Galerie des Batailles, se trouvait opportunément présenté un livret de 16 pages retraçant l’exposition. En exégèse de la présentation de l’exposition, réalisée en collaboration avec le musée de l’Ermitage, le voyage de Pierre le Grand y est décrit en ces termes: « Son voyage influencera les choix du Tsar réformateur qui a ouvert la Russie sur le monde et l’a fait entrer dans la modernité. Une ligne que les médias russes les plus en vus accréditent souvent, louant la modernité liée à la gouvernance de Vladimir Poutine depuis 2001, un ressenti que beaucoup de Russes semblent partager.
Cette journée que l’on pourrait être amené à considérer comme pensée et prévue de longue date, ne s’est donc vraiment pas passée comme prévu. Les candidats favoris éliminés, un président français très déterminé et incisif, mais offrant par ailleurs des améliorations diplomatiques notables, ont conduit Vladimir Poutine à remercier un journaliste de France Inter pour sa question sur les sanctions, ce qui lui permit d’ expliciter clairement sa position sur l’Ukraine en demandant aux médias d’en rendre largement compte.
Jean Cousin