Voici 20 ans déjà que l’usine sidérurgique de Völklingen a été classée par l’UNESCO au nombre des sites témoignant du Patrimoine Culturel Mondial. De fait si cette classification en 1994 de l’usine Völklingen au Patrimoine de l’Humanité surprit, aujourd’hui la Völklinger Hütte apparaît dans toute sa valeur monumentale.
Monumentale, la Völklinger Hütte l’est à tous les sens du terme. C’est un monument exceptionnel par ses dimensions, sa conception, sa fonction première, son histoire et son devenir. Ce sont en effet 600000 mètres carrés traversés par une allée de 6 hauts fourneaux hauts de 45 mètres, un agglomérat de forges, souffleries, halles de stockage. Là une cokerie, ici un atelier d’agglomération. A l’ombre des hauts fourneaux une gigantesque centrale génératrice, plus loin le château d’eau, première construction en béton-armé d’Europe en son temps. C’est un enchevêtrement de structures organisées, pensées pour produire de l’acier. C’est une cité de la démesure dont les structures boulonnées dressent au ciel des titans de fonte dans un dédale de laminoirs, cylindres de béton, cuves gigantesques, bennes d’acier, et chemins de fer.
Mais si les pompes hydrauliques, tapies dans le clair-obscur des salles de machines, restent désormais muettes, le visiteur d’ aujourd’hui comme l’ouvrier d’hier pénètre dans le monde sur-dimensionné de cette cité noire. Il est saisi par la verticalité des masses, l’énormité des machines, l’étroitesse des coursives et des conduits. Les escaliers d’acier se succèdent dans ce labyrinthe de poutrelles, l’horizon est à celui qui peut s’élever au gré des rampes d’accès, franchir les ponts d’acier, parcourir la passerelle des soufflantes dans cet entassement métallique.
Pas de nature, si ce n’est minérale. Les bennes ne déversent plus la matière première dans le gueulard perché à trente mètres, mais chaque élément transmet le poids de son passé. Pas de terre, ici le sol est parfois de béton, le plus souvent c’est le lourd entrelacs des plaques de fonte, dont l’usure superficielle par endroits témoigne du passage de millions d’ouvriers. Dans cet univers quasiment monochrome toutes les nuances du gris sont déclinées, du gris- clair luisant sous le soleil à l’anthracite voisin du noir. Surgissent parfois de rares couleurs, celle de la rouille fauve et l’écaille d’une peinture délavée en un vert pâli.
C’est la théâtralité de l’ univers de la machine d’ une ère révolue où l’homme se meut, fort de sa seule petitesse. Jolanta Nölle, membre du comité directeur du site, traduit l’ambiguité du message transmis par ce lieu. » Les anciennes installations industrielles sont des témoins de l’histoire dynamique de l’Allemagne dans ce secteur. Elles racontent le travail acharné, la chaleur et la poussière, l’essor et la crise, et attestent d’un environnement en mutation constante. »
Car la monumentale Völklinger Hütte est une construction sur-réelle. Magnifiquement campée dans la plaine sarroise, elle livre au futur par sa seule présence la démesure des hauts fourneaux, laminoirs, et fours de la cokerie. Elle en révèle aussi le paradoxe. Si chaque bâtiment reste le témoin de ce qui fut une activité titanesque, d’un défi inhumain, ce monument montre in situ le cheminement surprenant de l’histoire, du devenir de l’objet, de sa capacité de métamorphose. L’histoire de la Völklinger Hütte ne commence pas réellement avec la révolution industrielle du 19 ème, elle poursuit le décours de l’évolution d’une région dont la tradition date de l’âge de fer et le développement des civilisations celtes et gallo-romaines.
Aujourd’hui tombeau de ces civilisations proches ou lointaines, la Völklinger Hütte en transmet le souvenir à la postérité et avertit de la précarité des entreprises, aussi démesurées fussent-elles. Elle pose en même temps en termes modernes les enjeux majeurs de la conservation et de la restauration de monuments a priori hors des critères architecturaux traditionnels. Elle interpèle sur l’existence de liens culturels fondamentaux encore non ou peu formulés. La reconversion de ce bâti en site muséal pour des expositions consacrées à l’art moderne ou à des performances hi-tech constitue une démonstration in situ de l’importance du travail de mémoire, mais aussi de la priorité à accorder à la création saisie dans le dynamisme de son propre mouvement, au gré d’une déambulation qui ménage nostalgie et émerveillement dans la libre contemplation de l’insolite. Dominique Grimardia.Copyright Forks.fr
Weltkulturerbe Völliger Hütte, Europäisches Zentrum für Kunst und Industriekultur, 66302 Völligen/ Saarbrücken, Allemagne
Science Center Ferrodrom, exposition permanente
Génération Pop, jusqu’au 15 juin 2014
Pop Attitudes, Axi Klein/ Colères, jusqu’au 15 juin 2014
25 ans de réunification allemande, jusqu’au 11 novembre 2014
www.voelklinger-huette.org