Corinne Lepage est la Présidente de Cap 21/ le Rassemblement Citoyen. Ce mouvement s’est engagé dans une nouvelle définition de l’espace politique.et se caractérise par la recherche permanente de solutions destinées à faire évoluer la notion trop clivante de droite/gauche. Estimant en effet qu’il n’est pas constructif que chaque débat au sein de la société française soit d’abord analysé au vue de positions opposées, sur des paradigmes de principes, et non pas sur les réalités de la société civile, elle souhaite des solutions et non des affrontements. Pour elle la logique du mouvement « En Marche » correspond aux critères de son mouvement en matière de politique sociale, énergétique, pour les mesures de redistribution des pouvoirs vers la société civile. Ce sont ces facteurs communs qui ont porté Corinne Lepage et son parti au ralliement à Emmanuel Macron.
Pouvez-vous m’indiquer quelle a été le processus qui a conduit Cap 21 à soutenir, en janvier 2016, la création de la Primaire des Français, et qui a rassemblé des associations et des mouvements allant du centre-droit à la gauche pour favoriser une candidature de la société civile et rejoindre Emmanuel Macron?
La primaire des Français était constituée d’un groupe de 5. Il y avait La Transition, Nous Citoyens, Génération Citoyens, Cap 21/Le Rassemblement Citoyen, le Pacte Civique et Alexandre Jardin avec Bleu Blanc Zèbre. Nous avons travaillé sur une plateforme et, au fur et à mesure de l’évolution des choses, nous nous sommes dit que notre première approche ne pouvait fonctionner. A l’origine notre démarche était de dire qu’il nous fallait un candidat venu de la société civile qui puisse avoir des chances d’être élu. Ce n’est pas qu’il puisse faire 2% ou 3%. Cela n’a aucun intérêt. Il fallait qu’il y ait un élan de départ très important. A ce titre nous avions fixé un objectif de 500 000 signatures de soutien. On en a eu 75000.
Dés le départ nous considérions que c’était très difficile, car nous n’avions pas le soutien de base nécessaire. Nous avons donc décidé de travailler sur le fond et, en réalité, il n’y a eu aucun candidat parmi les mouvements des partis fondateurs à vouloir candidater pour cette primaire. Nous Citoyens a explosé et, en définitive, nous avons décidé de soutenir Emmanuel Macron.
Pourquoi ce choix?
Parce que cela nous semblait se rapprocher le plus de nous, c’est-à-dire être plus proche d’une société civile, c’est à dire d’une modification des règles du jeu. Or Emmanuel Macron porte cela en lui dans la mesure où il refuse toute alliance d’appareil politique à appareil politique d’une part, et où il a d’autre part pris l’engagement qu’au moins la moitié des candidats serait issue de la société civile. De plus il a pris des engagements forts comme le nom-cumul des mandats, la probité puisque pour être candidat « En Marche » il ne faut jamais avoir été condamné, ce qui veut dire qu’un certain nombre de candidats ne pourraient pas candidater chez nous. Il est certain que si ce n’est pas exactement ce que nous avions envisagé au départ c’est la candidature qui nous est apparue la plus proche de ce que nous soutenions.
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Benoit Hamon est assez proche de Jean-Luc Mélenchon. C’est la gauche gauche. Nous, si vous voulez, nous n’avons pas à choisir le candidat. Cela s’appuie tout d’abord sur un socle très étroit, car ce n’est pas 1,9 million de votants, comme on nous l’explique, mais plutôt 1,3 million. Deuxièmement c’est un vote extrêmement éparpillé puisque vous avez un gros socle pour Benoît Hamon, un moyen socle pour Manuel Valls et un petit socle pour Arnaud Montebourg, qui représentent en réalité trois voies fort différentes. Sur le revenu universel par exemple, ou sur l’Europe, Arnaud Montebourg et Benoit Hamon ont des positions complètement opposées. Si Arnaud Montebourg s’est rallié à Benoit Hamon, c’est pour des raisons pragmatiques, mais aussi personnelles par opposition à Manuel Valls.
Nous voyons que c’est un parti complètement fracturé, et qu’il n’y a pas vraiment de leadership. Si Benoit Hamon l’emporte, vue sa position sur l’échiquier politique, il n’a pas la capacité de rassembler tout le monde, cela lui est absolument impossible. S’il le faisait, chacun saurait bien que ce n’est qu’un montage virtuel.
Voilà ce qui permet effectivement à Emmannuel Macron de conforter son socle électoral potentiel avec le souci de rester très équilibré entre droite et gauche. Il n’est pas question qu’ »En Marche » se transforme en immense recyclerie des battus du PS et des socialistes, ce qui est tout à fait normal. Il y a des UDi, des Modem, des Cap 21, toute sorte de gens. Ce a quoi Emmanuel Macron tient beaucoup c’est à un équilibre.
Les législatives de juin seront primordiales pour les équilibres politiques futurs. Actuellement aucun parti n’est assuré de gagner une majorité à l’Assemblée Nationale. En cas de victoire aux présidentielles Emmanuel Macron ne risque-t-il pas de se retrouver comme Valéry Giscard d’Estaing en 1974 sans majorité propre ?
Le but du jeu est qu’il ait une majorité présidentielle, et en règle générale c’est ce qui se passe, l’épisode auquel vous faites allusion remonte à une période où il n’y avait pas de quinquennat, et où il y avait en même temps l’élection du président de la République et de l’Assemblée nationale. Puisqu’en 1974 la majorité avait été élue en 1973, il avait une majorité précédent son élection. Mais voici quelque années que le système actuel fonctionne, et l’on observe que les Français sont cohérents. Lorsqu’ils élisent un Président de la République d’une certaine tendance, ils essayent de lui donner une majorité derrière.
Mais lors de ces futures législatives on aura vraisemblablement beaucoup de triangulaires, le résultat de ces élections ne risque-t’il pas d’entrer en contradiction avec le résultat de l’élection présidentielle?
Cela sera la même chose, si je puis dire, lors du premier tour de la présidentielle. Je veux dire par là que si Macron réussit à passer le cap du premier tour de la présidentielle, cela signifiera qu’il aura battu ou le Front national ou François Fillon, forcément puisqu’il y a deux candidats au second tour.
La difficulté des législatives, c’est qu’il s’agit d’un moyen de financement des partis politiques. Chacun veut y aller pour obtenir les sommes allouées. Cela est vrai pour les petits et les grands partis, ce qui fait que le premier tour est généralement extrêmement éparpillé. Voilà pour le premier point. La deuxième difficulté, qui n’en n’est pas une, c’est qu’Emanuel Macron a dit clairement qu’il refusait tout alliance d’appareil. Or dans le cadre du mouvement En Marche le processus qui est mis en place pour sélectionner les candidats aux législatives est un processus finalement très intéressant: les gens candidatent sur internet, qu’ils soient député sortant ou pas, selon des règles qui ont été fixées sur le renouvellement et sur la parité, c’est à dire qu’il y aura au moins 50% de nouveaux et 50% de femmes.