Quelques pas au-delà du paradoxe de la représentation du mouvement, telle est l’invitation lancée par Jean-Luc Martinez dans la nouvelle exposition mise en scène dans la Petite Galerie du Louvre.
Exprimer le mouvement a toujours été l’un des défis relevés par les artistes de toutes les civilisations. Analyser l’évolution du corps en mouvement est aussi le défi que relève cette saison le président-directeur du musée du Louvre, et il convie le chorégraphe Benjamin Millepied, afin qu’il associe sa perception la sienne. L’acuité de ces deux regards produit une exposition qui s’attache à analyser le mouvement pas à pas, de l’Antiquité jusqu’au début du XXe siècle. En effet le regard du spécialiste de l’art se double de l’analyse du chorégraphe. À la proposition de cette collaboration Benjamin Millepied dit avoir accepté sans hésiter, parce que « la danse est déjà au musée, un peu partout dans les salles, et qu’il pourrait peut-être aider les visiteurs à le voir ».
Et d’ajouter : « Le danseur et l’artiste se rejoignent dans l’exécution d’un mouvement. L’un le vit, l’autre le dessine, le sculpte, le peint, mais tous deux le donnent à voir. » Et c’était effectivement l’ambition de cette exposition: donner à avoir le mouvement, analyser sa transcription dans des oeuvres qui vont de la plus haute antiquité jusqu’aux débuts du cinéma. La petite galerie rassemble donc un nombre d’oeuvres remarquables – Louvre oblige- non seulement par leur qualité et mais aussi par l’éclectisme de leur origine et des supports.
C’est ainsi que soixante-dix oeuvres, de l’Antiquité au début du XXe siècle sont présentées, pour nous aider à découvrir comment, siècle après siècle, fut représenté le mouvement, et l’ exposition dissèque à l’envi toutes les expressions du corps en mouvement. De là la découverte, ou la redécouverte des conventions qui furent liées à cette représentation. Pieds tendus et posés sur le sol tandis qu’un bras devance l’autre à la façon égyptienne ou bien jeux de couleur froides et chaudes et inversion des différentes postures pour cette huile sur cuivre, Apollon et Daphné, de Francesco Albani, dit L’Albane, aux environs de 1615. Des sculptures et des tableaux donc, des dessins comme La Danseuse dessinée à l’encre noire et brune, avec des rehauts d’or et de couleurs aquarelles sur papier à semis d’or originaire d’Iran, mais aussi des photographies ou des épreuves photomécaniques. Celles d’Adolf de Meyer, Nijinski et une danseuse, Danseuse et Nijinski, Nijinski et six danseuses, 1914, Une épreuve gélatine ou argentique de François Le Diascorn, Musiciens en mouvement. Ou même des films muets, celui de 35 mm d’une durée d’une minute et coloriés au pinceau d’Auguste et Louis Lumière intitulé Danse serpentine(III), 1897-1899, et celui de René Clair, Entracte, en noir et blanc d’une durée de 22 minutes. Sans oublier la statue en fil de fer d’ Alexandre Calder, intitulée Le Lanceur de poids, 1929.
Structuré autour de quatre enjeux, animer la matière, codifier le geste, « séquencer » le mouvement et corps dansants, le parcours de l’exposition mixe les cultures et les époques et échappe à la monotonie. La Petite Galerie s’ouvre à d’autres arts que ceux traditionnellement présents dans le reste du Louvre, et et apprend à dépasser les conventions. La liberté des choix, la multiplicité des matériaux et des techniques, et les nombreux codes de représentation, permettent de découvrir in situ là où se cache l’invention. Que l’oeuvre soit antique, orientale, ou contemporaine le visiteur peut approcher les oeuvres et surtout décoder, et construire sa propre appréhension du mouvement. Toutefois, malgré la scénographie réussie de Juan Felippe Alarson, on eût pu espérer une exposition plus dynamique encore, une sollicitation du regard et de l’analyse, ou le visiteur, petit ou grand, ne füt pas , une fois encore, spectateur, mais pût lui aussi entrer dans un mouvement créatif .
Dominique Grimardia
Corps en mouvement. La danse au musée, jusqu’au 3 juillet 2017, Aile Richelieu, Petite Galerie, Musée du Louvre 75001 Paris