Le Noeud Gordien est un livre de Georges Pompidou. Paru en juin 1974 chez Plon, il fit l’objet d’une enquête journalistique hors norme menée par Christian d’Epenoux. Ce fut en effet à la suite d’un travail de plusieurs mois que Christian d’ Epenoux réussit en 1970 à en obtenir une copie qu’il put photocopier. Il rencontra d’abord par la voix de Michel Jobert, alors secrétaire général de l’Elysée, une opposition catégorique de la présidence.
« Vous ne pourrez pas sortir ce livre » lui fut-il prédit. Mais Georges Pompidou, conscient de l’impossibilité de garder le secret, accorda le principe d’un article sans citation. Et le mardi 1 décembre 1970, sur une page entière de « l’Aurore », Christian d’ Epenoux analysa l’ouvrage. Magnanime, Georges Pompidou l’invita à l’Elysée quelques jours plus tard, et le félicita pour son travail de journaliste.
Le Noeud Gordien ne contient, paradoxalement, ni secret d’Etat, ni révélations. Ce sont plutôt les réflexions du futur Président sur les événements couvrant la période d’automne 1968 au printemps 1969, une analyse des hommes, du monde et de la difficulté de gouverner les Français. Une analyse où l’agrégé de grammaire devenu Premier Ministre de Charles de Gaulle développe une interrogation sur Mai 1968, et la nature de ces événements. S’agissait-il à ses yeux de percevoir dans ces événements « une recherche inconsciente d’un idéal perdu, d’une revalorisation de l’homme » ?
Sans tirer de conclusions, Georges Pompidou analyse les « contradictions de nos sociétés qui forment un « noeud gordien » que quelqu’un tranchera ». Il avance des hypothèses: sera-ce « en imposant une discipline démocratique garante des libertés », ou bien l’apparition de quelques hommes « forts et casqués tirant l’épée comme Alexandre » ?
Aujourd’hui, alors que les Présidents de la République qui lui ont succédé sont, à l’ exception de deux issus de l’Inspection des Finances, en quasi totale majorité issus de l’Ena, que reste t-il de la réflexion de Georges Pompidou sur » une recherche inconsciente d’un idéal perdu, une revalorisation de l’homme »?
Emmanuel Macron, à l’aube de sa rentrée politique, ne semble préoccupé que de modifications systémiques en vue de résultats futurs. Certes il envisage de trancher en quelque sorte le noeud gordien, mais aucune réforme ne paraît de nature à donner un « souffle à la France ». En son temps, Valéry Giscard d’Estaing, inspecteur des Finances, ancien ministre des Finances, avait élaboré des mesures fortes comme l’abaissement de la majorité à 18 ans, et avec Simone Weill comme ministre de la Santé le recours possible à l’IVG, pour les femmes.
Aujourd’hui il est bien trop tôt pour savoir si conduire la France comme une start-up sera de nature à produire des effets positifs pour l’économie française. Et quels que soient par ailleurs les résultats de cette politique, il est tout aussi prématuré de supposer que les Français plébisciteront « in fine » cette politique. Mais comme l’avait en effet sagement analysé Georges Pompidou, avec lequel Emmanuel Macron, malgré tout, a en commun d’avoir travaillé au sein de la banque Rothschild, pour un peuple que d’aucuns jugent difficile à gouverner la question qui demeure est celle du besoin d’un idéal, et de la revalorisation de l’homme.
Jean Cousin, Dominique Grimardia