Politique 21/11/2016

Les Sondeurs ou le Crépuscule des Dieux

by Rédaction

Décidément, après l’échec retentissant des prévisions liées aux sondages pour les élections aux États-Unis et l’élection contre toute attente de Donald Trump comme président, les instituts de sondage sont sur la sellette! L’histoire semble se répéter avec le premier tour des primaires en France. François Fillon en effet, quatrième homme il y a quelques semaines avec à 15% des estimations d’intentions de vote, est aujourd’hui vainqueur avec 44% des votes.

Si l’on se réfère à ce qui s’est passé aux Etats-Unis, nous avions pu prendre connaissance pendant de longs mois des estimations des instituts de sondage qui indiquaient Hilary Clinton largement en tête des intentions de vote, avec une avance de dix à trente grands électeurs sur son rival. Le résultat fut une victoire nette et large de Trump avec 290 grands électeurs, une situation qu’aucun sondage n’avait envisagée.

alain-juppe-qg-presse-forks-magazineLes particularismes des élections américaines, qui ne se déroulent pas au suffrage universel direct, et dépendent des résultats Etat par État, étaient assurément une difficulté, si ce n’est une complexité à même d’apporter une explication aux erreurs d’estimations. Mais alors qu’un différentiel de plus de vingt points est apparu entre Nicolas Sarkozy et François Fillon, les dernières estimations Ipsos, la veille du premier tour des primaires, estimaient cette différence à un point d’écart.

Il y avait déjà eu un précédent en 2015, le Royaume-Unis élisait son parlement et son gouvernement, les sondages indiquaient un résultat extrêmement serrée entre Travaillistes et Conservateurs. Le parti Travailliste a basé sa stratégie en parties sur ces sondages et considéra qu’il n’était pas nécessaire de s’allier avec le parti Nationaliste Ecossais, car certaine pouvoir obtenir la majorité avec leur alliance avec les Libéraux-Démocrate. Le résultat fut une victoire absolue du Parti Conservateur et des Indépendantistes ecoassais, et un échec électoral  tout aussi absolu pour les Travaillistes et les libéraux_Démocrates.

Une estimation qui s’appuie sur des chiffres totalement faux peut entraîner des conséquences dévastatrices sur la stratégie des candidats. François Fillon, par exemple,  a mis en place une tactique très offensive pour rattraper son retard (supposé), constitué des points-presse hebdomadaires où son porte-parole, Jérome Chartier, a expliqué, interprété le programme du candidat Fillon. La position d’Alain Juppé, qui avait à déterminer une tactique pour maintenir une avance, bien qu’il eût communiqué ses dépenses de campagne, et que son service presse ait toujours répondu aux diverses questions, fut au contraire bien moins offensive, et l’absence de point-presse a peut-être mis trop en retrait l’action du candidat Alain Juppé.

Nous avons souhaité obtenir une explication de ces instituts de sondage. Seul Ipsos nous a répondu -sans répondre- que suite à un « problème d’agendas de (leurs) experts extrêmement sollicités à la suite de la Primaire », leur position face à l’écart de plus de 15 points entre François Fillon et Alain Juppé ne pouvait nous   être indiquée.  BVA et Sofres, eux aussi contactés, n’ont par ailleurs tout simplement pas répondu. Il est donc bien difficile de sonder nos chers sondeurs.

Dés hier soir, volatilité semblait le maître mot des « sondeurs », eux qui se définissent pourtant  comme des « Game Changers » sont’ils devenus des « Game Over ». La seule explication avancée sur France 2 fut que les sondages n’exprimaient plus qu’une « tendance ».

Après avoir été portés aux nues depuis plus de vingt ans, les sondeurs seraient-ils  sur leur déclin? La question de leur crédibilité est dorénavant engagée. La seule évocation de matrices de transferts,  derniers mots à la mode pour les instituts de sondage, ne peut dissiper les doutes. Mais sera-t-elle suffisante pour pallier leur déclin d’image et d’influence?

Jean Cousin

Ludwing ou le Crépuscule des Dieux, Luchino Visconti, 1973

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