Marc Chagall, ici et là, l’univers foisonnant d’un peintre inclassable.

by Rédaction

Musée  Marc Chagall à Nice, oeuvre inclassable que  Le Musée du Luxembourg à Paris et le Musée Marc Chagall à Nice présentent selon deux voies et en deux lieux bien différents. Au Nord une exposition intitulée  » Chagall, entre Guerre et Paix », au Sud un parcours raisonné qui prend le titre  » D’une guerre l’autre et se poursuit par « Marc Chagall, devant le miroir, autoprotraits, couples et apparitions ». Deux programmations donc, quasiment en parallèle   puisque la rétrospective parisienne  dure du 21 février au 21 juillet et celle de Nice du 23 février au 16 octobre, Des expositions croisées qui présentent des oeuvres issues de mêmes collections, et pourtant que de différences! Alors, Chagall, au  Nord ou au Sud?

Le Musée du Luxembourg, avec 105 oeuvres, peut sembler emporter l’adhésion d’un visiteur avide de saisir d’emblée ce qui constitue l’essence de la création chez ce peintre qui traversa le vingtième siècle sans s’attacher à aucune école, à aucun mouvement. Dessins, encres, gouaches, tableaux monumentaux  caractéristiques de la période postérieure à son retour  définitif en France en 1948. L’exposition est excessivement riche, plus riche que ne l’évoquerait  » Chagall entre Guerre et Paix »  compris dans un sens strictement temporel. C’est ici une forme générique, l’armature  thématique de cette oeuvre et de l’exposition qui s’attache à produire toutes les étapes  qui amènent aux oeuvres de l’apaisement et aux tableaux  de la dernière période abondamment représentés.

Une exposition aussi riche permet d’appréhender les thèmes travaillés par l’artiste et de découvrir comment s’impose progressivement son univers, et dans cette exposition s’entrecroisent les aussi bien le thème de l’amour que celui de la guerre, ceux empruntés à la tradition biblique ou les thèmes plus particuliers de l’envol ou des métamorphoses. L’univers de Chagall est un univers poétique ou s’entrechoquent le réel le plus atroce et une féérie surréelle à travers un réseau de reprises et d’échos inlassables.  Chez Chagall il y a des « Amoureux en vert » (1916), un homme vole au dessus de Vitebsk en 19-1920, en 1925 il est devenu un homme-coq. La nuit est verte comme les amoureux (1952), le paysage bleu ( 1949),  et la maison rouge (1955), comme le cheval (1944).Mais cette fantaisie est indissociable d’une vision tragique du monde, qu’elle soit évoquée à travers certaines scènes bibliques,  » Abraham prêt à immoler son fils » (1931), ou dans des séries comme La Guerre en 1914, 1915, 1943, les « Crucifixions » de 1940 et 1942, ou les trois Tryptiques  » Résistance, Libération, Résurrection »  de 1937-1940.

Mais pour une exposition aussi riche et des oeuvres aussi éloquentes le lieu ne semble pas idoine. La scénographie de l’exposition suit un déroulement sinueux, De tours en détours  les grands thèmes de cet univers suivent une progression pesante en opposition avec l’évolution des oeuvres.

A l’inverse, le musée Marc Chagall a cerné le thème des expositions consacrées à ce quarantième anniversaire avec précision. Pour la première exposition, intitulé  »  D’une guerre l’autre  »  3 grands groupes d’oeuvres ont été distingués avec 68  dessins,  collages, esquisses préparatoires de travail, et les illustrations de 1931 pour Abraham Walt, dit Liessin.

Tout ceci constitue un groupe d’oeuvres stylistiquement très cohérent. De fait, si l’oeuvre de Chagall comporte, stricto sensu, peu d’oeuvres de guerre, la présentation des dessins dans ces  trois séquences spatiales organisées selon l’axe central d’une allée, met en valeur la richesse du trait et les multiples tecniques abordées par Chagall. Ici une grand-mère à tendance cubiste,  en 1920 c’est le portrait de sa fille, là les vues de Vitebsk de 1923 au crayon lithographique. Esquisses au graphite, ou encre de chine associée à la gouache répètent les thèmes de l’exil souvent incarné  par le juif errant qui sort par la gauche du tableau, le sens de l’exil. Ainsi se développe la thématique de la vie juive,  du couple, du stetel, toute la vie à Vitebsk, la violence des scènes du pogrom, l’exil.  Alors apparaissent les figures de l’ange, du petit diable, du violoniste, Et puis c’est aussi la période biblique surgie après le voyage de 1930 en Palestine.

Enfin point d’orgue de cette exposition, sur une cimaise centrale, rompant ce voyage en noir et blanc, et annonçant  » Marc Chagall devant le miroir » : « La Route de Cranberry Lake  » de 1944, dernière acquisition du musée qui introduit sur le mode mineur au surréel univers coloré de Chagall, là où une chaise tend un bouquet de fleur.

Tout est là,  le témoignage des oeuvres futures, figures et paysages, formes et annotations rapides et libres, ce regard sur le judaïsme, les guerres, la naissance des archétypes, des thèmes chagalliens dès les illustrations des  » Ames Mortes » de Gogol, ou des   » Fables » de La Fontaine.  Et cette scénographie minimale répond à la simplicité des supports, à la linéarité des dessins parfois interrompue par des pages d’un noir soutenu.

Chagall, au Nord ou au Sud? Au Nord des oeuvres éblouissantes, au Sud  un art du parcours raisonné inséré dans un cadre créé spécialement pour cette oeuvre et cet artiste, et en cela indiscutablement hors compétition.

Dominique Grtimardia. Copyright Forks 2013.

Chagall, entre guerre et paix, Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard, 75006, Paris, jusqu’au 21 juillet 2013.

Marc Chagall, d’une guerre l’autre , devant le miroir, autoportraits et apparitions,  et plus encore, Musée National Marc Chagall,avenue Dr Ménard, 06000 Nice

 

 

 

 

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