Nos anciens ministres analysent la Crise de la Santé

by Marie Combes

   Les systèmes de soin vont mal. Ils sont pointés du doigt dans plusieurs pays par les professionnels de santé eux-mêmes. En France, la population accuse régulièrement les urgences bondées, le manque de médecin, des délais d’attente de rendez-vous qui peuvent aller jusqu’à 52 jours d’après un communiqué de l’Agence régionale de santé. Quatre anciens ministres de la santé, Claude Évin, Agnès Buzin, Roselyne Bachelot et François Braun sont revenus sur leur expérience au ministère au lendemain du discours de politique générale du nouveau et jeune Premier ministre, Gabriel Attal. Lors de la conférence de presse à la villa M à Paris, ils nous livrent leurs observations au regard de leur mandat.

   Ce n’est pas une crise mais une évolution

   D’une voix unanime, ces ministres considèrent que ce n’est pas une crise mais une évolution de la Santé. Claude Évin, député français et ministre de la santé de 1989 à 1995, fait le constat d’ un sentiment de dégradation, mais rappelle qu’un certain nombre de pathologies sont de mieux en mieux soignées. soignées. De fait des réponses sont apportées à des problématiques par exemple dans le domaine du sida ou pour certains cancers. Selon Claude Évin, la problématique d’accès aux soins de premiers recours est liée «  à une organisation territoriale défaillante.»

   Ces propos ont été appuyés par Agnès Buzin qui juge, elle aussi, nécessaire d’arrêter de parler de crise, car le système de santé poursuit une transformation profonde depuis des années. Elle a rappelé qu’à son arrivée au Ministère en 2017, un mois avant que Simone Weil ne décède, on a fait remonter des archives familiales un document concernant sa vision du système de santé, ses constats et ce qu’il fallait faire. Ces analyses dataient de 1974 et de conclure : «  Il n’y avait pas un mot à changer en 2017 ».

   Pour ces ministres, la problématique n’est pas nationale mais internationale. Celle-ci illustre une évolution de la société et un devoir de repenser les systèmes de santé face aux nouveaux besoins des populations. François Braun analyse en ces termes les enjeux: «  La population n’a pas forcément augmenté en nombre, mais en temps de soins. Il existe une discordance. Nous devons repenser notre système de santé en un système qui répond aux besoins de la population . C’est dans cette esprit que nous avons mis en place le Conseil national de Refondation de la Santé avec une discussion territoire par territoire ». De facto il conclut que la temporalité inhérente à ces nouveaux dispositifs dépasse largement un cadre de discussions annuel.

   Le constat est unanimement identique quelque soit le bord politique. Agnès Buzin croit en une amélioration par les réformes « structurantes mises en place pour augmenter les soins primaires ». Beaucoup d’espoirs sont placés dans l’ouverture des études de médecine à un plus grand nombre, l’augmentation du nombre de spécialistes, la création des infirmières de pratique avancée (IPA). Elle a également rappelé le coup de frein brutal engendré par le covid en janvier 2020. « Énormément de lois destinées à redonner du temps médical ont été votées. Ma santé 2019 a bénéficié d’ un consensus, et la loi a été votée en janvier de cette même année avec une large majorité au sénat et à l’assemblée. Le problème c’est que nous n’avons pas eu le temps de la mettre en place en raison de la pandémie. »

   Tous sont unanimes pour dire qu’il manque 18 millions de soignants dans le monde. Il manquera peut-être jusqu’à 30 millions en 2050.  Le nombre de soignants aurait dû être anticipé dans les années 90, Le problème est donc mondial. Le numerus clausus mis en place dans les année 90 lors du ministère de Claude Évin, et avait fait l’objet de nombreuses négociations. Aujourd’hui il reconnaît :«  Nous avions fait numérus clausus limité à la demande des syndicats médicaux. Lionel Jospin en avait proposé un encore moins important que les miens. J’aurais peut-être dû résister. On est dans un système co-géré, le dialogue est parfois compliqué».

   Néanmoins l’ensemble des anciens ministres de la santé semble optimiste quant à l’avenir. Agnès Buzin met en avant une sortie de tunnel grâce aux services d’accès aux soins (SAS) avec « une diminution de 10 à 15 % du nombre de patients aux urgences cette année. » mais ils s’inquiètent de la « valse des ministres » qui empêche de mener à bien les réformes.

* une infirmières de pratique avancée (IPA), catégorie créée en 2018, dispose de compétences élargies, et peut réaliser plus d’actes médicaux. Cette création répond à une demande des syndicats infirmiers au vu de l’élargissement de leurs compétences.

Print Friendly, PDF & Email
Leave a comment