Transformer la relation du citoyen avec l’Administration figure parmi les projets en construction au Parlement. Cet important dispositif a été présenté par le député LREM Stanislas Guerini aux journalistes lors de la présentation du 23 janvier 2018. Le projet de loi, Pour un Etat au service d’une société de confiance, examiné en commission du 15 au 18 janvier, et examiné en séance du 23 au 26 janvier reprend une promesse que le candidat Emmanuel Macron formula dès le 10 décembre 2016 en ces termes: « Ce que je propose, c’est de créer un droit à l’erreur pour tous! (…) Les contrôles opérés par les pouvoirs publics se feront non plus d’abord pour sanctionner, mais pour orienter « . En cette occasion il précisa: » Ce sera à l’Administration qu’il reviendra de prouver que l’erreur a été commise intentionnellement, ou que la personne est de mauvaise foi. »
Repris dans les annonces faites avant le second tour de la présidentielle, le Droit à l’erreur devait figurer parmi les mesures phares de ce quinquennat. Cette mesure phare, le Président la souhaite à plus d’un titre. Placée directement sous son autorité, sa mise en oeuvre a fait l’objet d’une attention toute particulière. Ce projet de loi s’essaye à transformer non seulement le fonctionnement d’une société avec son Administration , mais aussi à élaborer une nouvelle méthode de construction de la Loi.
Le premier texte soumis par les parlementaires de la majorité ayant été jugé insuffisamment porteur par le Président de la République, il fallut le repenser. Donner du sens, le construire avec les parlementaires, l’approfondir sans le simplifier, bien que sa philosophie vise à mettre en oeuvre une grande loi de simplification des relations des citoyens avec l’Administration, mais pas uniquement. Bien au-delà de la simplification, l’enjeu est de restaurer la confiance.
Afin de porter le projet, trois lignes de force: une administration qui conseille, une administration qui prend des engagements fermes, une administration qui dialogue. Et une élaboration plus complexe qu’il ne paraît à première vue puisqu’il est nécessaire non de travailler entre députés du LREM mais d’y associer des parlementaires de toutes les commissions, des sénateurs et des membres du Conseil d’Etat, sans oublier ni d’aller sur le terrain ni les auditions en circonscriptions, auprès des services décentralisés. Le résultat de ce nouveau modus operandi, un travail de « co-construction »: le projet de loi, qui fut présenté le 27 novembre au Conseil des ministres, répondait aux attentes du Président de la République. L’ampleur de cette élaboration se mesure au nombre d’amendements examinés en commission: 764 discutés,174 adoptés, dont 88 de fond.
Le projet repose donc sur trois principes: une administration qui conseille, une administration qui s’engage, une administration qui dialogue. 3 formules qui doivent révolutionner les us et coutumes administratifs.
Le mot clé étant le mot Confiance, l’administré, personne physique ou morale sera donc présumé innocent. C’est le Droit à l’Erreur de forme dans la rédaction des déclarations par l’usager sans sanction pécuniaire, le Droit à l’Oubli de produire ou encore celui à ne pas avoir saisi le sens de l’information communiquée, développé dans l’article 2 et suivant. C’est aussi le Droit au Contrôle – article 8- un contrôle présenté comme constructif. Requis par une entreprise afin d’obtenir de l’administration la confirmation de sa conformité avec la loi, ce contrôle donnera lieu à des conclusions rendues par l’administration et qui pourront être opposables, une valeur que possède aujourd’hui le rescrit fiscal, lequel rescrit serait étendu aux autres administrations.
En corollaire avec ce Droit à l’Erreur, une Administration responsable de ses décisions, une Administration qui s’engage. L’action publique doit permettre la réduction des délais administratifs. Dès lors l’Etat ne peut revenir sur ses actes au détriment de l’usager. De là aussi l’obligation d’informer, avec la délivrance d’un certificat d’information, et la possibilité de recourir à la transaction – article 12-, et un « Permis de Faire ». Le délai maximal de délivrance du rescrit administratif sera au maximum de 6 mois – article 10.
En conclusion, un troisième volet dans cette construction d’une Société de Confiance: une administration qui dialogue., afin de mettre un terme au sentiment d’inaccessibilité. Sont donc prévues la mise en place de numéros d’appel non surtaxés – article 15-, l’instauration d’un référent unique dans les quartiers prioritaires -même article-, qui fera le lien avec plusieurs administrations, la généralisation de la médiation et la mise en place d’un médiateur de dialogue entre les entreprises d’un secteur économique donné et l’ensemble des administrations- article 17-, la limitation des contrôles dans les PME, le tout condensé dans la formule « Dites-le nous une fois pour toutes ». Sans oublier les articles 21 et 23 sur la dématérialisation et la garantie de protection des données personnelles.
En illustration de cette volonté d’instaurer un Etat au service d’une société de confiance, les principaux amendements de la Commission spéciale au projet de loi ont été portés respectivement dans la proportion suivante: 1% par les NI (1 amendement), 5% par la NG (4 amendements), l7% par l ‘UDI (6 amendements), 11% par le MoDem (10 amendements), 19% par le Rapporteur (17 amendements), 25% par le LR ( 22 amendements), 32% par le LREM (28 amendements).
Il est d’ores et déjà prévu que la mise en oeuvre du Texte s’appuie sur la formation des agents publics: coût 1,5 milliard €. A ceci s’ajoute l’instauration d’un Conseil de la Réforme, transpartisan, composé de parlementaires et de personnalités de la société civile, et avec l’évaluation indépendante de la Cour des Comptes sur l’impact financier des mesures mises en oeuvre. Au final une réforme qui se projette à horizon 2022.
Mais dans cette marche vers la confiance, dans cette volonté de réinstaurer un dialogue, ce n’est pas seulement l’action de l’administration qui sera validée. En appliquant une démarche politique inspirée du customer centric entrepreneurial, le gouvernement travaille à la validation de son action non uniquement par l’usager de l’administration, mais surtout par le citoyen et le futur électeur potentiel, un électeur qui, en 2017, s’est tenu éloigné des bureaux de vote à un taux record de 25,44%. Face à cet éloignement de la chose publique, de la république stricto sensu, la loi « Pour un Etat au service d’une société de confiance » est effectivement un engagement politique majeur.Et pour l’heure c’est non seulement le développement d’une démarche politique forte, mais aussi la nécessaire réformation de certains services administratifs dont l’action peut laisser à penser que, du haut d’une tour d’ivoire patiemment consolidée parfois en deçà des principes républicains, ils génèrent « in fine » le mécontentement, et favorisent l’exclusion tout en entravant de nombreuses opportunités de croissance.
Dominique Grimardia