Après une introduction d’Alain Prochiantz, Président de l’assemblée des Professeurs du Collège de France, qui établit un parallèle avec la remise à l’Empereur Napoléon III, en 1868, il y a 150 ans, dans le même lieu, d’ un rapport par Claude Bernard intitulé « Rapport des règles de la physiologie générale » et la remise officielle au Président de la République, ce 29 mars du rapport de Cédric Villani, « Donner un sens à l’intelligence artificielle. Alain Prochiantz ne manqua pas de rappeler les difficultés croissantes qui s’opposaient « à l’épanouissement du génie français et de la recherche française actuelle », des difficultés auxquelles Claude Bernard était déjà confronté. Une recherche pour laquelle les montants des budgets et moyens alloués ne sont peut-être pas à la hauteur des enjeux liés à la compétition mondiale.
Dans son discours, Emmanuel Macron a partagé son souhait, si ce n’est sa volonté, de faire de l’intelligence artificielle un vecteur de cohésion européenne. L’enjeu en est la reconquête par les Européens du droit à avoir une grande ambition, et de ne pas se retrouver isolés dans la compétition internationale, entre les grands acteurs que sont les sociétés privées américaines, et les structures étatisées de la Chine. Devenir des précurseurs en matière de l’intelligence artificielle permettrait aussi de reprendre le contrôle des données des Européens, de créer un cadre favorable aux start-up et au monde de la recherche. Cela, en modifiant par exemple les règles qui permettront aux chercheurs de consacrer 50% de leur temps à des activités dans des sociétés privées contre seulement 20% aujourd’hui. Un point qui, au vu des déclarations de chercheurs expatriés à l’étranger, constitue le premier motif de leur départ de France.
Ce discours a été l’occasion d’ annonces de financement avec 1,5 milliard d’euros pour la filière, sur le quinquennat, dont « 400 millions d’euros d’appel à projets ». Techniquement il s’agit d’un redéploiement budgétaire, en partie sur des fonds publics existants, et en partie sur un nouveau fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros. Sont en outre prévu concomitamment 100 millions d’euros pour la première année, et 70 millions d’euros les années suivantes, destinés à appuyer le démarrage de start-up dans le domaine de l’intelligence artificielle, et de la deep tech.
Emmanuel Macron a également souhaité annoncer la possibilité pour la recherche française d’ accéder aux bases de données de la santé. Comme le Président de la République aime à le souligner, l’héritage d’une France Jacobine se retrouve dans une centralisation qui, de ce fait, produit une des meilleures bases de données au monde dans le domaine de la santé. Selon ses propres termes, » si d’aventure les bons choix stratégiques pour le développement de l’I.A. ne sont pas faits, le risque est de perdre la bataille ». Pour Emmanuel Macron le développement de cette révolution doit être accompagné de transparence et, dans la logique de cette préoccupation, dans la foulée, il a révélé que les algorithmes de Parcours Sup seront rendus publics.
En parallèle, afin de permettre à la France de devenir leader sur le marché autonome, est annoncée la création du cadre législatif, avec la possibilité de commencer les essais dès début 2019, et la mise en place d’ici 2022 d’un cadre permettant la circulation sur route de véhicules autonomes. Il s’agit dans le même temps de préparer les règles régissant l’homologation de ces véhicules autonomes afin de conférer la France un avantage stratégique dans ce domaine.
Le plan d’action que dévoile le Président de la République s’articule sur quatre axes, qui vont des parcours universitaires aux principes de loyauté et d’éthique, en passant par la volonté de construire une Europe forte avec l’Allemagne qui s’appuie sur une technologie nouvelle. En quelque sorte, pour le Président de la République, l’ I.A. offre l’occasion de reprendre un leadership européen sur un projet fort, et dont l’aboutissement est aussi de créer pour l’Europe un leadership mondial.
Il n’en demeure pas moins que la France et l’Europe se trouvent face à des compétiteurs qui, eux, ne sont pas soumis aux mêmes règles, qu’ils soient les GAFAM ou les initiatives chinoises dont il a été annoncé pour l’I.A un budget de 22 milliards pour l’I.A. Il est donc raisonnable de réfléchir au fait qu’il est difficilement envisageable d’ être un concurrent efficace si de trop strictes règles budgétaires ne peuvent permettre de le devenir.
C’est, somme toute, ce volet politique qui constitue la principale annonce faite ce jour, la possibilité pour Emanuel Macron de créer une offensive tactique, si ce n’est un électrochoc au niveau européen, afin de donner un second souffle à l’Europe et à sa volonté de placer la France au meilleur niveau en la matière.
Pour cela, à la fin de son discours, il n’hésite à affirmer: » Soyez dans l’excellence! «
Jean Cousin