Pour le dernier débat avant la primaire nous aurions pu nous attendre à quelques belles passes d’armes, mais ce fut plutôt à fleuret moucheté que le débat se tint. La stratégie des trois candidats les mieux placés, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, et François Fillon, était plutôt de conforter leurs acquis que de prendre le risque d’éventuellement se disqualifier par une attitude trop conflictuelle, séquelles du combat Copé/Fillon pour la présidence de l’UMP.
Alain Juppé a choisi d’être le candidat de la transparence. Il est le seul à avoir présenté ses comptes de la campagne des primaires ces dernières semaines. Mais cette transparence fut aussi son handicap durant les débats, bien qu’il ait déclaré que « L’Europe est menacée de dislocation », fidèle en cela à la tendance anxiogène des LR, qui décrivent régulièrement une France déclassée, dépassée, et qu’il inscrive dorénavant l’Europe aussi dans ce registre.
Jean-François Copé , lui, rappela à Nicolas Sarkozy la suppression des effectifs des forces armées, qu’il évalue à 42 000 militaires. De même, en s’adressant à François Fillon, il souhaita savoir pourquoi celui-ci n’avait-il pas, lorsqu’il était premier ministre. appliqué les mesures qu’il préconise aujourd’hui. François Fillon réserva sa réponse pour sa conclusion lorsqu’il claironna qu’il avait » toujours dit la vérité ».
Nicolas Sarkozy a choisi une tactique plus présidentielle. Il critiqua François Hollande, en arguant que les décisions contre le nucléaire avaient entrainé la réouverture de centrales thermiques au charbon, responsables de ce fait de la pollution jusqu’au bassin parisien. Bien que cet exemple soit partiellement inexact, puisque l’ arrêt des réacteurs était lié à l’entretien de ceux-ci, on peut se demander s’il ne s’agissait pas de séduire l’électorat écologique des Républicains. En outre, Nicolas Sarkozy ne fut pas avare de propositions avec la « création d’un FMI européen « , ou celles d’annonces de projets pour les régions confirmant « les spécificités de la Corse », ainsi que celles des territoires d’outre-mer. Nicolas Sarkozy fut même lumineux lorsqu’il fit part de son constat et d’ une « incandescence des problèmes migratoires » (dixit) pour les français, liée, toujours selon lui, principalement au problème du regroupement familial, une mesure qui ne concerne pourtant que 12 000 familles par an.
François Fillon a positionné ses propositions sur le plan du management, avec l’ augmentation du temps de travail à 39 heures pour les fonctionnaires, ce qui, sur un total cinq millions de fonctionnaires, lui permet d’affirmer qu’un objectif de suppression de 500 000 fonctionnaires est cohérent. Une mesure qu’Alain Juppé ne croit pas envisageable, compte-tenu des différents statuts au sein des administrations, dont celui des enseignants. Nicolas Sarkozy ne manqua pas de faire aussi remarquer à François Fillon que, bien qu’il eût augmenté la TVA d’un point, et ce tout en restant dans la moyenne européenne, il n’en demeurait pas moins que deux points d’augmentation de la TVA lui paraissaient excessifs.
Parmi les autres candidats, Jean-Frédéric Poisson tenta de surnager avec quelques propositions sans grand relief, Bruno Le Maire acheva de se disqualifier, et Nathalie Kosciusko-Morizet adopta le ton du persifflage avec « nous n’ avons pas besoin d’un Président sondeur » et conclut ses interventions sur son souhait d’incarner » La nouvelle France ».
Ce qui pose interrogation c’est le prisme extrêmement réducteur des vues des candidats lors de ce dernier débat à trois jours du premier scrutin. Comment imaginer en effet que la France puisse, grâce aux mesures présentées, faire fi de l’environnement économique mondial? De même aucune capacité de se projeter au sein des institutions européennes, aucun axe de propositions de nature à modifier certains problèmes structurels n’apparaissent. A aucun moment ne fut exprimée une volonté de négocier face aux anglais au profit de l’Europe. Jamais ne fut évoquée, ni réellement ni concrètement la question de la défense. Quant aux mots digital, numérique, internet, ils n’ont pas été prononcés.
Pour France 2, en tout cas, qui réalisa depuis la rentrée son meilleur score avec quelques 5,1 millions de téléspectateurs à avoir suivi l’émission, soit 23,1% de parts d’audience, ce fut une soirée faste.
Jean Cousin