Simon Procter: de la peinture à la photographie

by Rédaction

Artiste, photographe, Simon Procter occupe une place à part dans le monde de la photo et plus particulièrement dans celui de la photographie de mode. Sa vision, son parcours lui ont permis d’imposer des images- dont certaines très marquantes esthétiquement – qui sont en fait  reconstruites en de grands panoramiques. Simon Procter, en s’appuyant sur son acquis de peintre, a su imposer une vision toute personnelle sur des images  travaillées par les montages successifs de prises de vues multiples au sein de la même photo. Son imaginaire a pu ainsi structurer une vision personnelle très forte. Le résultat,  une véritable allégorie, fondé sur une mise en scène extrêmement précise à l’image des peintures regroupant de multiples personnages réalisées par les grands peintres de la Renaissance et du XVII ème. Cette première partie de l’interview réalisée dans son studio-photo à Paris, nous permet de commencer à décrypter ce qui fut à l’origine de l’original cheminement  créatif de Simon Procter.

 

Jean Cousin : Quel fut ton cursus exactement ? Où es-tu né ?

Simon Procter : Je suis Anglais, j’ai été élevé dans le Yorkshire. Le nord de l’Angleterre était divisé entre les principales activités du Textile et de l’exploitation des Mines, je suis allé initialement du côté textile. Mais tout cela, c’est fini maintenant.

J.C : Cétait une activité dans la laine ?

S.P : Il est difficile de tout décrire, mais dorénavant c’est fini. Pour ma part je vivais dans un village  » coté  charbon » qui n’existe plus aujourd’hui.

J.C : Artiste initialement ?

S.P : J’ai fait les Beaux-Arts pendant 7/8 ans.

J.C : A Londres ?

S.P : Non, en fait dans le système anglais, tu restes dans ta région pour la 1ère année, c’était ainsi dans les universités auparavant. Tu y apprends les fondamentaux. Pour la technique, j’avais suivi des cours auparavant, pendant quelques années. Il y avait toutes sortes d’artistes, y compris des photographes. Je pense qu’il y a le même système ici. C’était une formation pluridisciplinaire . J’étais dans une université de technologie  dans le centre d’Angleterre, dans une très jolie ville où j’ai habité  pendant quelques années.

J.C : Un cursus de 6 ans?

S.P : Non 3 ans, c’est normal en Angleterre et une année de stage dans ma ville.

J.C : Et ensuite ?

S.P : J’ai continué d’être artiste. Comme tout le monde j’ai fait de mon mieux. Mais c’était pas vraiment le mieux pour gagner sa vie en Angleterre. En fait c’est vraiment un choix de vie. J’ai fait un peu d’illustrations à côté pour gagner ma vie, j’ai fait de la peinture, beaucoup de sculpture aussi pendant mes études.

J.C : Quelles sculptures ? en argile, en plâtre, en pierre ?

S.P : En fait on faisait de l’assemblage avec tous les matériaux. J’ai fait des études sur des chevaux très très grands, avec les matériaux de récupération, ou inhabituels. Auparavant tout était un peu du même style, mais tu trouves des matériaux qui communiquent avec d’autres matériaux. Nous n’avions pas beaucoup d’argent non plus, donc quand tu trouves quelque chose dans la poubelle, ça tombe bien.

J.C : C’était dans les années 1990 ?

S.P : J’ai finit mes études à 23 ans, mais il m’est difficile d’établir une réelle chronologie, car la création peut te faire perdre tes points de repère temporels. Je regarde en avant, je me projette dans le futur. Je suis ici, en France, depuis 1998. Honnêtement  les dates, c’est pas pour moi.

J.C : Ta particularité, c’est en fin de compte d’avoir commencé assez tardivement la photographie ?

S.P : Oui.

J.C : Et pourquoi la photographie de mode ? Quels événements  t’on conduit à  la photographie de mode ?

S.P : Je n’avais pas fait expressément ce choix. J’avais fait un peu de mode pendant mes études,  j’avais des copines qui étaient designers, chacun choisit son métier, j’avais fait les beaux arts, j’étais à Paris, j’essayais de survivre.

J.C : Mais à Paris comment cela s’est il passé ?

S.P : J’ai passé la plupart de ma vie sans argent. Je suis tombé par accident dans une boite où j’ai fait un peu de photo. Cela a été le hasard. C’était l’époque de la première génération des appareils-photos numériques, j’étais là, j’ai vu tout ça. C ‘était complètement par hasard.

Et moi j’ai fait des photos. Une fille m’a dit « Venez  voir le patron ». J’ai montré des photos au patron et à son ami qui était un des plus gros agents du monde, tout est tombé vraiment par accident. En même temps Nike cherchait quelque chose, ils ont dit que j’étais un photographe qui monte et par accident j’ai gagné le job: ça a commencé comme ça. C’est dynamique, je connais aussi des gens qui font en une journée quelque chose d’extraordinaire en équipe, quelque chose de dynamique.

Tout cela  a changé ma vie. Par nature, je suis quelqu’un qui ne bouge jamais, il m’a payé pour mon premier boulot. Tout a changé, c’était fabuleux, cela a complètement changé ma vie. Quelque fois je n’arrive pas à y croire, mais c’est comme tous les trucs, je m’y suis adapté hyper-vite. J’ai aussi eu beaucoup de chance, je ne connaissais pas les règles, j’ai vraiment fait le truc instinctivement. Si j’avais su un peu plus comment cela marchait, je n’aurai jamais essayé de faire ça comme ça.

Et tout de suite, ils ont dit qu’ils cherchaient des gens comme moi qui était tombé dessus complètement par hasard. C’est comme tous les métiers. Quand tu es dans le plus haut de gamme de l’équipe, il y a moins de stress en bas, c’est plus facile pour les gens qui ont envie d’être en bas, pas au top.

J.C : Quelle est ta philosophie de la photographie de mode ?

S.P : J’ai pas vraiment de philosophie parce que ma vision est assez nouvelle.  Je vais regarder assez vite. Tout de suite mon but c’est de faire encore une belle photo bien faite. En fait, c’est parce que j’ai fait des études d’ Histoire de l’Art. Comme tous les gens qui font les Beaux-Arts, tu as envie de faire des tableaux. Et il y a eu un moment où j’ai vu qu’il y avait quelque chose là-dedans, qu’il y avait un procédé, une application. J’ai besoin de comprendre comment ça marche. J’ai essayé de faire des trucs assez complexes, car c’était difficile pour les autres qui n’avaient pas de background spécifique. Mais ce n’était pas fait expressément en fonction du système de post-production qui corrige les petits détails. Quand je fais un tableau pour moi, c’est parfait, la composition est comme ça, la structure est comme ça. Il y a une raison pour chaque élément, c’est comme ça. Mais même avec cette possibilité de faire de la post-production, j’arrive au résultat avec beaucoup de travail.

Quand j’ai commencé à faire des grands tableaux classiques ou baroques, ce n’était pas facile. Cela marchait très bien, même si encore aujourd’hui je ne comprends pas exactement pourquoi. Je vais continuer dans ce sens. J’ai fait des paysages, j’ai fait des photos de tout. Honnêtement j’ai fait beaucoup de photos, cela a été assez compliqué, mais maintenant c’est plus simple.

Interview de Jean Cousin

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