La création du Comité Mixte de Suivi a créé un espace politique plus réactif, et une situation inédite. Le Conseil National a pris des positions tous courants politiques confondus, et partagé avec le gouvernement la responsabilité politique des actions de ce dernier. Dans le cadre des discussions bilatérales entre Stéphane Valeri, Président du Conseil National, ses membres délégués et le gouvernement, en raison de l’accélération des décisions, les mesures de soutien à l’économie prennent une part prépondérante. Le gouvernement Princier envisage de les réduire au plus vite, considérant qu’avec l’abrogation de la quasi-totalité des restrictions imposées par le confinement ces soutiens n’ont pas à être pérennisés. Le Conseil National soutient la règle d’une levée progressive des aides, et de suivre une diminution proportionnelle à l’augmentation du chiffre d’affaires. Jean Louis Grinda considère que « Le pire est la faillite », et qu’il faut aussi tenir compte du « besoin de la haute technicité de nos salariés, et éviter les licenciements ».
Pour la Principauté comme les autres pays, le coût du confinement représente une charge financière soudaine et inopportune. En l’absence de seconde vague de pandémie, l’étape suivante est la conséquence sur l’économie mondiale. Avec une économie orientée à l’international, la Principauté doit anticiper sur les conséquences à moyen et long terme d’une crise mondiale. Un exercice délicat. Entre l’activité bancaire, immobilière et touristique, l’économie monégasque est diversifiée. L’ évolution de chacun des secteurs, qui peut varier de façon importante, rend difficile l’anticipation des conséquences financières.
L’OCDE évoque deux cas de figure au niveau international. L’un favorable: l’ampleur de l’épidémie est globalement limitée, les conséquences économiques « maîtrisées ». L’autre, caractérisé par une contagion plus générale, subit un « effet domino », et s’avère de plus grande ampleur sur l’économie mondiale. Plus globalement, et à plus court terme, Laurence Boone, Cheffe économiste à l’OCDE, considère que « Le virus risque de porter un nouveau coup à l’économie mondiale, déjà affaiblie par les tensions commerciales et politiques. Les pouvoirs publics doivent agir immédiatement pour endiguer l’épidémie, étayer le système de santé, protéger les populations, soutenir la demande et tendre une bouée de sauvetage financière aux ménages et aux entreprises les plus durement touchées. »
En Principauté, fin juin, seule la moitié des trois cents millions d’aides mis en place devrait être utilisée. Pour le Conseil National l’ objectif est de ne pas arrêter brutalement les aides à l’économie. Stéphane Valeri le confirme avec la formule « ne pas arrêter au milieu du gué ». De même la priorité d’attribution des aides publiques doit être accordée aux entreprises monégasques, et permettre la consolidation du modèle monégasque. Les ambitions du Conseil National sont aussi de participer à la croissance de l’économie de la principauté. Stéphane Valeri d’ajouter: « On ne parle pas assez du rôle du Conseil National, de son apport de nouvelles idées, et de son rôle pour permettre au gouvernement d’obtenir de nouvelles ressources budgétaires ». Il annonce « un think-tank d’experts en prospectives » pour Monaco .
Il est intéressant de constater que les positions de Stéphane Valeri se rapprochent de celles du FMI. Dans sa dernière communication, le FMI considère » indispensable de prendre des mesures efficaces afin de stabiliser l’économie mondiale. Celles-ci doivent avoir pour objectif d’atténuer la contagion, et préserver des vies humaines. Les effets à court terme sont néfastes à l’activité économique, mais cette action doit être considérée comme un investissement important dans la santé humaine, et économique à long terme. La priorité a été de limiter les répercussions de l’épidémie de COVID-19, notamment en augmentant les dépenses de santé visant à renforcer les capacités et les ressources du secteur sanitaire, tout en prenant dans le même temps des dispositions qui freinent la contagion. La politique économique devra également amortir les effets du fléchissement de l’activité sur la population, les entreprises et le système financier, réduire les séquelles persistantes d’un inévitable ralentissement prononcé et faire en sorte que la reprise économique puisse s’amorcer rapidement une fois la pandémie passée. »
Stephan Valeri se trouve à la croisée des chemins politiques. La crise économique et sanitaire a permis la création de nouveaux formats politiques en Principauté. Les réunions mixtes, l’ampleur des difficultés en ont modifié le mode de gouvernance. L’urgence a primé sur le long consensus des rapports entre le Conseil National et le Gouvernement princier. Politiquement, pour Stéphane Valeri, Président du Conseil National, ce fut l’occasion de prendre de nouvelles initiatives, et de tenir des positions plus ambitieuses. La contrepartie en est que le fait d’émettre des propositions de gouvernance – comme ce fut le cas pour le testing-, suivies à bref délai par le gouvernement, entraîne une responsabilisation politique et, de fait, une exposition accrue aux éventuelles critiques.
Jean Cousin