Art & Culture, Music 13/03/2019

Un métier peu connu: agent d’artistes

by Rédaction

David Barat est un agent dans le monde de la musique, il a créé en 2002 sa propre structure Belleville Music avec des interprètes comme Gaspard Royant, Laura Cahen, Gauvain Sers, Peter von Poehl, Toybloïd, Syd matters, Jil is Lucky, The Buns, Jonathan Moral. 

Pouvez-vous nous indiquer comment fonctionne le modèle économique d’un agent ?

Dans la partie interprète vous avez le « live » et l’enregistrement, le recording. L’ autre partie c’est l’image, donc l’artiste. C’est tout cela qui nous intéresse. Notre rôle est de coordonner et faire grandir toutes ces parties, c’est un gâteau en fait. De plus chaque artiste intervient différemment. Si l’interprète n’est pas auteur compositeur, son intervention dans la partie composition sera extrêmement réduite. C’est tout cela qui génère des revenus sur lesquels nous  percevons un pourcentage de 15 pour cent. C’est le pourcentage prévu en France, et il est réglementé.

Qui peut intervenir?

Le partenaire de l’auteur-compositeur c’est l’éditeur graphique. C’est celui qui acquiert les œuvres, les transforme en partition, et fait en sorte qu’elle génère des droits. Par exemple il va  placer les chansons auprès d’autres _interprètes, synchroniser ces œuvres sur des images, en pub ou en cinéma.


Mais ensuite que se  passe-t’il?

Au niveau de l’enregistrement elle va au studio avec un réalisateur. C’est alors un dialogue artistique. L’artiste par exemple dit: « Moi je voudrais que cette chanson soit très aérienne », et le réalisateur traduit. Il lui propose des accompagnements,  d’utiliser par exemple un accordéon, et  il organise la rencontre.  Il reçoit un salaire quotidien et un pourcentage sur les ventes, en moyenne 2 pour cent .

Et le cachet ?

Il y a pas de règles. C’est très variable. Certaines stars font gagner beaucoup. Pour les petits artistes, cela dépend de leur mode de rémunération. Sont-ils intermittents ou non? Ils peuvent gagner 200 ou 300 euros par jour. Mais comme il n’y a pas de limite, cela peut être 1000 euros .

Le compositeur, lui, ne fait que composer. Ensuite l’interprète va en studio avec le réalisateur. Pour le compositeur, l’auteur, il n’y a pas de cachet fixe. Il ne touche rien tant que la chanson n’est pas exploitée. II n’y a pas de négociation. Vous donnez une chanson, et ce n’est qu’une fois qu’elle génère des bénéfices, qu’elle passe en radio, qu’il y a des ventes ( diffusion t.v. etc . . .), que le compositeur touche des droits d’auteur. A partir de là il touche sur tout.
2 types de droit leur permettent d’obtenir des bénéfices. C’est un peu compliqué. Quand vous êtes auteur-compositeur il y a les droits d’exécution publique, et des droits de reproduction mécanique.
La reproduction mécanique c’est quand l’œuvre est fixée sur un support, par exemple un cd. En fait, dès que quelque chose est fixé, et que le support est vendu, il y a une royaltie, autour de 7 pour cent du prix hors taxe qui vont aux auteurs-compositeurs et l’éditeur. Ce pourcentage est en général divisé: 50 pour les auteurs-compositeurs et 50 pour l’éditeur . Par contre les droits d’exécution publique (les DEP), eux, sont toujours partagés: 4 douzièmes pour l’éditeur, 4 douzièmes pour l’auteur, et 4 douzièmes pour le compositeur

L’éditeur graphique est-il un personnage à part ?

C’est par exemple Sony ATV, Warner Chappell, Universal Music Publishing. C’est une structure séparée qui acquiert des droits, et fait en sorte qu’ils génèrent à leur tour des droits. Mais elle les gère d’un point de vue purement administratif, elle va les déposer auprès de la SACEM (société des auteurs- compositeurs et éditeurs de musique ) , vérifier que la SACEM a bien réparti les droits etc

En fin de compte ne touche-t’il que 2 pour cent ?

Sur la reproduction mécanique oui. Par contre sur les droits d’exécution publique il va toucher 4 douzièmes, soit 33 pour cent. Sur des ventes, il va effectivement toucher son pourcentage sur les 7 pour cent. Mais si c’est une synchronisation il touche 50 pour cent.
C’est un aspect caché du métier de l’éditeur.  Son but c’est de s’assurer de l’exclusivité de l’auteur-compositeur. Dans les faits,  moi je suis éditeur. Je vais vous voir, je vous dit » Ecoutez, je veux votre signature, je veux récupérer vos œuvres, je vous fait un pacte de préférence ». Cela signifie que, si vous signez, vous êtes obligé de me les donner en premier. En échange je vous donne une avance sur ces droits, et je paye des avances de marketing pour de la publicité par exemple, si besoin pour un attaché de presse. Je peux faire toutes les dépenses possibles pour que ces œuvres génèrent des biens.

Ce sont des boîtes qui ne font jamais faillite parce que les œuvres rentrent dans vos actifs, et surtout elles donnent de la valeur à votre société. Tous les éditeurs ne sont pas cotés. Mais, quoi qu’il en soit, vous avez un catalogue d’actifs que vous pouvez valoriser et vendre. Si vous revendez votre boîte ou vos actifs, vous vendez vos œuvres et vos droits à-venir.

 Les interprètes change parfois de maison de disque ou de label…

Alors là, c’est au point de vue production, pas édition.  C’est ce qu’on appelle l’édition phonographique. Vous avez le marché, le public qui va chez des détaillants, achète des cd, ou bien sur iTunes. Mais pour que les cd arrivent jusque là, il faut passer par un distributeur, qui, lui, prend les objets et va les mettre en magasin. Il prend 40 pour cent. Mais avant ce fichier que l’on va vendre, il faut qu’il y ait un éditeur phonographique qui crée des phonographes:les vinyles donc, les cassettes, l’objet qui sera mis en vente.
Et, encore au dessus, il y a le producteur. Lui, il paye les musiciens, l’artiste. Il a un contrat avec l’ artiste, mais après je sais pas. Par exemple, vous voyez le label Atmosphériques, Marc Thonon est producteur, il a signé, entre autres, avec Louise Attaque. Il a payé pour l’enregistrement. Mais, pour sortir l’album, il ne va pas le faire lui-même, parce que cela demande de gros investissements. Il doit alors conclure un contrat de licence avec un éditeur phonographique. C’est ce qu’on appelle un label.

Mais qui  paye le plus ? Tout cela, les photos …

L’éditeur phonographique. C’est lui qui paye toutes les dépenses marketing, commerciales etc.

Le producteur prend-il un pourcentage ?

Une fois qu’il a conclu une licence avec un éditeur phonographique, en général le producteur a un taux autour de 20 pour cent. C’est à dire 20 pour cent du prix de gros hors taxes. Et c’est lui qui paye l’artiste.

Donc, en fin de compte, l’éditeur phonographique peut être Sony? Sony qui est aussi un éditeur graphique.

Sony Music, mais c’est Sony ATV qui est éditeur graphique. Ce ne sont pas les mêmes sociétés. Même si c’est Sony aussi. Des artistes peuvent être en contrat d’artiste pour les enregistrements chez Sony Music, donc Sony est producteur et également éditeur phonographique.
Mais, par contre pour ses droits d’auteur, elle est éditée par Sony ATV, qui est une autre société qui appartient partiellement à Sony et à ATV, et qui appartient en fait à Michael Jackson, enfin maintenant aux héritiers de Michael Jackson. Ils ont fusionné et créé une structure éditoriale importante qui appartient partiellement, enfin l’un des deux actionnaires est Sony.

L’enregistrement c’est donc le producteur … et l’image?

Tout dépend du contrat. Des artistes cèderont leur droit à la maison de disques, d’autres ne le feront pas, et le garderont pour eux. En général les maisons de disque veulent des contrats à 360 degrés:  ils veulent l’image. Par ex avec Orange et BMW pour créer du be to be.
Et nous, les agents, nous sommes partout:  au centre de la communication entre tout le personnel et cela est multiplié exponentiellement  avec les partenaires qui sont tous différents.

En Angleterre y a-t’il un droit différent ?

Non. Ce n’est pas une question d’origine juridique, c’est plus une question de réseau. C’est un marché énorme, aussi compliqué qu’en France. On a déjà du mal avec la France. Les territoires comme l’ Angleterre et les Etats Unis aiment bien avoir des partenaires locaux.
Les Etats Unis – je vous en parle même pas – ce ne sont pas les mêmes horaires. Un simple appel de N-Y à L.A, c’est toujours de nuit. On n’a plus de vie, et puis on n’est pas efficace. Enfin… c’est très difficile.

C’est quoi l’adami spedidam?

L’adami spedidam, en fait, c’est l’artiste-interprète qui enregistre pour un producteur pendant l’exploitation de l’album.  Il a des droits qui s’appellent des droits voisins qui sont générés, donc ce sont les droits voisins du droit d’auteur.
Les droits d’auteur vont aux auteurs compositeurs, éditeurs, mais il y a des droits générés pour les producteurs: ce sont les droits voisins. Il en existe aussi pour les interprètes. Par exemple quand la chanson est diffusée,  l’interprète a des droits sur les diffusions. La maison de disque va aussi prendre une part dessus. Des sociétés collectives, comme la SACEM, gèrent ces droits voisins qui sont ceux de l’adami spedidam.

Ils font donc partie de la SACEM ?

Non, cela n’a rien à voir. Mais cela fonctionne de la même façon. En fait ce sont des ayant-droits qui se mettent ensemble pour gérer leurs droits. Cela représente des sommes très importantes pour les gros artistes.

Pouvez-vous également préciser artiste salarié et contrat?

Le contrat d’artiste c’est ce qui va lier votre artiste au producteur. Le producteur est lié à l’éditeur phonographique par un contrat de licence. Qui lui même va se lier à un distributeur par un contrat de distribution.
En France l’artiste est un salarié, ce n’est pas un entrepreneur comme aux Etats Unis ou en Suède. Il a donc toujours un employeur, et quand il enregistre il touche un salaire par jour d’enregistrement.
Un salaire qui est symbolique , syndical et symbolique, le minimum c’est 80 euros.

On a trouvé sur internet un petit papier avec tous les détails pour l’emplacement, la loge etc..

C’est ce qu’on appel le Ryder , un document annexe au contrat. C’est ce qu’on envoie pour la scène et aux promoteurs locaux.  Le Ryder leur explique le nombre de personnes, ce qu’on a besoin pour le matériel etc.

Les mouvements de managers?

MMF, Music Manager France, les coordonnées sont sur internet. C’est un syndicat de managers mondial, et MMF, c’est la branche française.

Et vous êtes combien?

Je n’en ai aucune idée, mais on n’est pas nombreux en France. A vivre du management, on doit être 30 ou 40, pas plus. Il y en a d’autres qui le sont, mais pour eux c’est une activité annexe.

La différence entre label et maison de disque?

Ce sont des problèmes sémantiques. Ce que l’on appelle maison de disque c’est une entité qui regroupe le producteur et l’éditeur phonographique. Une Major par exemple est à la fois producteur – ils payent les enregistrements-, éditeur phonographique -ils vont commercialiser les enregistrements-, mais aussi distributeur. L’éditeur phonographique c’est vraiment pour qu’il n’y ait pas de confusion avec le label. Parce que label veut rien dire, c’est une marque.

Ils n’éditent rien ?

Stricto sensu c’est une marque, c’est une étiquette comme Vogue, Mercury, etc. Ce que les anglais appellent le label c’est la marque sur le 45 tours, c’est une étiquette. Ce label-là a une existence légale, et parfois concrète. Mais c’est juste une marque.

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