Une tache blanche sur fond noir, un dessin naïf avec deux yeux, un nez, une bouche. Le visage se transforme et progressivement perd son sourire.
Silence, et la musique jaillit du noir.
Deux silhouettes masquées apparaissent, vêtues d’un costume deux-pièces anthracite. Elles sont assises, et jettent du riz. La musique s’élève et les deux danseurs commencent un pas-de-deux au cours de trois actes ponctués par le déplacement d’une vieille baignoire en fonte qui devient aléatoirement un instrument de musique ou un élément du décor. Les deux silhouettes dansent au gré des accords de la musique interprétée par deux musiciens.
Ici pas de bavardage, pas de son inutile, la narration est créée par la musique et le mouvement. C’est un travail sur le corps et le son dans une synergie parfaite entre danseurs et musiciens. De ce travail se dégage la figure du double, comprise dans la ressemblance comme dans la complémentarité. Ressemblance des danseurs et complémentarité entre les danseurs et musiciens. La composition du groupe et de la pièce s’impose dans cette dualité du son et des gestes.
C’est une recherche sur le corps et le son dans une véritable dialogue où les gestes des musiciens ne paraissent pas moins importants que les sons produits par les danseurs. Tout en refusant l’anecdotique, ce spectacle produit tour à tour le sourire l’amusement ou l’angoisse par le seul travail du rythme et la création d’un paysage intérieur autant visuel que sonore. Sur le rythme alternatif de la vitesse et de la lenteur. Sur le jeu de la présence et de l’ absence, le spectateur découvre un nouveau tragique, mais fait aussi l’expérience d’une métamorphose subtile et infinie. Et dans ce paysage ascétique qui pourrait rappeler les oeuvres du peintre Tihamér Dobo, Josef Nadj, Ivan Fatjo, Akosh Szelevényi et Gildas Etevenard donnent à percevoir un sens nouveau au temps de la représentation, qui n’est plus seulement danse, ou musique ou théâtre, mais une performance rare avec, en son centre, le spectateur.
Dominique Grimardia
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Paysage Inconnu, création 2014, jusqu’au 25 septembre, festival Temps d’Images, 104, 5, rue Curial, 75019, Paris