L’élection européenne est un scrutin traditionnellement boudée en France. Est-ce une conséquence du non au référendum du 29 mai 2005, ou plus simplement une désespérance face aux résultats politiques de l’Europe? Dans le cadre de la pré-campagne électorale les électeurs peuvent être fondés à se poser et à poser quelques questions fondamentales. En effet, à cet instant, aucun bilan de l’action européenne n’a été présenté par les député(e)s élue(e)s au Parlement européen. Des positionnements pour le futur sont certes énoncés, mais « quid » de l’action des six dernières années? Où est la bataille? Où sont les enjeux?
De fait les Européennes constituent un enjeu à géométrie variable certain pour les partis politiques comme le PC, Génération.s.
En effet pour le PC, la liste menée par Ian Brossat n’est actuellement crédité que de 2% des intentions de vote, face à cette situation, il n’hésite pas à affirmer afin d’envisager un score supérieure que « notre liste ne sont pas que des adhérents du Parti communiste ».. « Il y a des tas de gens, qui sont des cols bleus, des blouses blanches, des stylos rouges, des robes noires des gens qui se mobilisent depuis des mois ». Et du fait que c’est une liste qui est à l’image de la société française », Ian Brossat, tête de liste communiste s’attend donc à « un très beau résultat ».C’est pourquoi il pense qu’ils feront « un très beau résultat », « parce que c’est une liste qui est à l’image de la société française », conclut-il.
Pour Génération.s dépasser les 5% est l’objectif à atteindre afin de pouvoir obtenir une représentation parlementaire. Le PS, quant à lui, joue une partie importante pour demeurer crédible pour les élections nationales à venir, en particulier municipales. Elle pourrait donner espoir aux élu(e)s socialistes qui doivent se représenter sous une étiquette de nature à conforter leurs chances de réélection. Mais la liste actuellement menée par Raphaël , essayiste et fondateur de Place publique, comme tête de liste aux européennes, a créé des remous en interne. Car c’est la première fois dans l’histoire du PS que les candidats ne seront pas issus du sérail.
Le parti de Jeen-Luc Mélenchon, conscient du gap entre le résultat obtenu aux élections présidentielles ( plus de 19% des voix) et des intentions de vote qui stagnent à 8%, prend acte de la difficulté de l’exercice. Manon Aubry, tête de liste choisie afin de porter la mobilisation des électeurs, affirme qu’il faut des gens qui ont fait leurs preuves sur le terrain et rappelle » Moi j’ai combattu l’évasion fiscale pendant des années dans le secteur associatif, donc je peux vous dire qu’au Parlement européen, je ne vais plus laisser passer le Luxembourg et l’Irlande, qui pillent nos recettes fiscales, et qui font payer plus d’impôts aux autres États membres ». A ce stade toutefois les résultats obtenus en la matière ne plaident pas en la faveur d’une modification de cette situation.
Pour le LREM, Nathalie Loiseau appelle à ce que l’Europe « prenne son envol », et Fabienne Keller souhaite une « Europe heureuse », mais « pas l’Europe honteuse », tout en indiquant que l’UE « doit être transformée en profondeur ». Pourtant Bruxelles semble considérer que les traités européens n’ont pas vocation à être renégociés. Quid des moyens et du calendrier mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs?
Les Républicains ont présenté 75 propositions pour la prochaine mandature du Parlement européen. Le programme est structuré en cinq chapitres: « L’Europe frontière », « L’Europe civilisation », « L’Europe puissance », « L’Europe projet » et « L’Europe efficace ». Il s’agit en effet de porter « une troisième voie » entre LREM et le RN. Concernant « L’Europe puissance », il semble nécessaire pour les LR de « mettre en place une double préférence, européenne et française » face aux produits étrangers, » en prenant comme modèle le système américain nommé « Buy American act ».
De même les Républicains proposent que soit inscrite la stricte réciprocité de négociations dans l’ouverture des marchés publics avec nos partenaires étrangers », de conserver « intégralement le budget de la PAC », et fort logiquement de « rétablir la préférence communautaire dans le domaine agricole ». De même le programme LR envisage d’engager une action au Parlement Européen en vue de réviser la directive sur les travailleurs détachés.
Le RN abandonne officiellement la sortie de l’UE et le retour au franc, ce qui clarifie une position pour le moins délicate, si ce n’est contradictoire: être député européen et en même temps ne pas reconnaître le parlement Européen. Le programme complet sera présenté lundi à Bruxelles, mains d’ores et déjà Marine Le Pen défend la révision des traités européens, avec notamment la suppression de la Commission européenne tout en maintenant le Conseil européen.
Mais comment crédibiliser cette campagne électorale?
Face à ces programmes que peut représenter l’Europe au travers du flux d’informations qui parvient aux Français. Le Brexit, une sortie de l’Europe considérée envisageable, il fut un temps, pour la Grèce et comme une catastrophe systémique ne le serait pas pour le Royaume-Uni? Actuellement apparaît une quasi-certitude. Les déclarations martiales sur la date de sortie ne sont pas corroborées par les faits. L’impossibilité de signer le traité négocié entre l’Europe et l’Angleterre tourne à la confusion totale. Tout cela peut renforcer le sentiment que l’Europe ne fonctionne pas, et être accompagné d’une certaine lassitude des électeurs. Sur les grands dossiers de l’écologie le sentiment prédominant peut être un grand flou face aux « libertés » prises par l’industrie automobile et son peu de respect des textes la liant à une baisse de la pollution. Les grandes déclarations sur l’abolition des monopoles, les contraintes multiples et diverses créées pour satisfaire les ambitions de l’Europe afin de dynamiser la concurrence et l’emploi sont-elles réduites dans l’esprit des Européens au face à face entre les Gafam et les institutions européennes.
Alors que les Gafam ne sont pas des créateurs de richesses pour l’Europe, comme cela a été démontré à de nombreuses reprises, ils ne semblent pas payer les impôts dus. De même ces Gafam font apparaître les dysfonctionnements fiscaux de l’Europe. Certains pays représentant moins de dix pour cent des électeurs, et moins de 5% du PIB européen, sont effectivement à l’origine d’un manque à gagner fiscal de plusieurs milliards annuels pour les autres pays européens, alors que dans le même temps ils sont des contributeurs négatifs.
De surcroît, quel peut donc être l’enthousiasme des Français face à une élection qui nécessite près d’un million de Français pour élire un(e) député(e) , alors que pour d’autres pays 30000 à 40000 électeurs suffisent.
Bien évidemment il y a de grandes avancées comme le roaming gratuit dans tous les pays d’Europe, la monnaie unique dans certains pays, ou bien l’absence de frontières, mais rien de bien nouveau et de mobilisateur.
Le taux de participation sera-t’il, dans un premier temps, beaucoup plus révélateur du ressenti des Français faca à l’Europe que le nombre de député(e)s obtenus – ou pas- par les partis en lice.
Pierre Cusson