Vin de fête par son histoire le Champagne semble s’associer aux fêtes de fin d’année. Fêtes païennes de la lumière ou célébration d’une naissance divine elles appellent un hommage particulier et semblent le moment privilégié pour apprécier ce vin d’exception.
Dûment protégé, grâce à une méthode de vinification soigneusement élaborée, il se démarque de tous ses compétiteurs, mousseux et vins pétillants. De fait même si les amateurs de classements – généralement anglo-saxons – se font forts de dresser les top-ten des vendeurs de bouteilles en volume et en valeur, le palais peut facilement oublier ce pis-aller. Non seulement un champagne cher n’est pas garant de qualité ou d’excellence, mais le volume de vente d’un champagne n’est pas plus significatif de la qualité du vin. Et il est possible de décliner ces adages pour toutes les mises en scène qui peuvent entourer ce vin. Un coffret n’a jamais donner de qualité à un vin qui n’en a pas, pas plus qu’un habillage signé par tel ou tel désigner ne fera oublier le triste breuvage qu’il camoufle, que l’habit fût de rouge et blanc, qu’on lui assortisse un sabre d’opérette ou pas!
Comme tout grand vin, le champagne vit pour le consommateur déjà par la sobriété de sa bouteille caractéristique, aux contenances dûment codifiées et aux noms mythiques: magnum bien sûr, Jéroboam, Réhoboam, Mathusalem, Salmanazar, Balthazar, Nabuchodonozor et depuis peu Salomon, Souverain, Primat ou Melchizédec exclusivement à la Maison Drappier.
La tradition souvent séculaire des Maisons ou des familles de Vigneron s’allie aux légendes colportées par l’Histoire. Depuis sa découverte par un moine en passant par de moyenâgeux chais cisterciens jusqu’à l’élaboration d’une bouteille à fond plat dédié à la table du Tsar Nicholas II, le champagne suscite toujours un enthousiasme à nul autre pareil dans le monde du vin. Sa renommée se construit sur le paradoxe d’un contenant aussi sobre que le contenu en est exceptionnel.
Le champagne se dévoile selon un exercice de style très codifié.
Sobriété et rigueur de l’étiquette.
Celle-ci doit obligatoirement porter la dénomination champagne de façon bien apparente, tout comme la caisse, les emballages et le bouchon dans sa partie contenue dans le col de la bouteille. Il est même prévu que les dimensions des caractères ne doivent pas être inférieurs ni en largeur, ni en hauteur à la moitié des caractères les plus apparents de la marque et pas seulement des initiales. Mieux, l’étiquette doit porter le numéro d’immatriculation du producteur, précédé de 5 couples de majuscules possibles : N.M. pour un négociant manipulant, M.A pour marque d’acheteur auxiliaire, R.M. pour récoltant manipulant, C.M. pour coopérative de manipulation, et R.C. pour récoltant coopérateur. Et comme pour tout vin d’appellation d’origine l’étiquette comporte également tout aussi obligatoirement le nom, ou la marque de l’expéditeur, sa raison sociale et son adresse qui doit être comprise dans l’aire de la Champagne viticole. Tout autre adresse n’aura droit de figurer que sur une contre-étiquette avec la mention adresse commerciale, et sur laquelle il est interdit de faire figurer le nom champagne.
Une étiquette,, mais déjà une initiation à un savoir-faire.
En sus de la quantité nette de vin contenue en cl. dans la bouteille en caractères de 4 mm au moins de haut, l’amateur pourra trouver la dénomination blanc de blancs ou blanc de noirs. Un champagne blanc de blancs sera issu exclusivement du Chardonnay. Un champagne blanc de noirs est fait exclusivement des seuls cépages noirs à jus blancs et vinifiés en blanc, c’est-à-dire copiés à l’origine de raisins de Pinot noir et/ ou de Meunier, liqueurs comprises. Grand cru ou Premier cru ? Grand cru est réservé est préservé exclusivement au champagne provenant exclusivement de communes classées à 100%. Premier cru pour les communes classées de 100 à 90 % inclusivement. Un grand cru est donc ipso facto un premier cru. Mais en Champagne il n’y aura jamais de cru classé, tout comme il sera rarissime de trouver des clos, château, domaine, ou côte en raison de la constitution du vignoble et de la pratique d’assemblage. De même propriétaire à … ou viticulteur à … sera l’apanage de récoltants vendant exclusivement le champagne provenant de leur récolte avec un lieu d’exploitation obligatoirement sis sur l’exploitation viticole principale, ce qui en exclut les récoltants retirant d’une coopérative leurs vins en cercles ou en bouteilles.
Et le millésime ?
Si millésime il y a, il figurera obligatoirement sur le bouchon et l’étiquette ou la collerette ou sur toute autre pièce d’habillage mais jamais sur une vignette qui ne porte pas le nom du manipulant ou de la marque avec son numéro d’immatriculation. De là à user du terme Vintage, Celebris ou Paradis, voilà des audaces hyperboliques dont d’excellentes cuvées par ailleurs eussent pu être dispensées.
En Champagne dans une province viticole qui ne compte que trois appellations d’origine, l’appellation constitue déjà un gage d’exigence pour le consommateur et pour la Champagne plus encore qualité et authenticité, car il y est formellement interdit de fabriquer des vins mousseux autres que ceux pouvant prétendre à l’appellation champagne (loi du 23 mai 1977) renforçant la loi du 20 mars 1934 qui proscrivait la vente de vins mousseux accompagnés d’un nom de commune comprise dans la Champagne viticole délimitée.
L’Histoire a fait que le Champagne n’est pas un vin A.O.C. (vin à appellation d’origine contrôlée), c’est un vin A.O.P. (vin à appellation d’origine protégée), qui le place au sommet de la hiérarchie des vins sous appellation. Déjà en 1868 le docteur Guyot dans une Etude des vignobles de France reconnaissait que le Champagne était le fruit de l’alliance de » fins cépages, d’un climat et du sol de la Marne » . Et même si la Marne n’est pas le seul département habilité à produire du champagne, celui-ci ne peut provenir que de la Champagne viticole : 34000 hectares sur les 2 500 000 occupés par cette province. Une loi de 1927, reprise et affinée par la réglementation communautaire européenne a confirmé la zone délimitée Champagne à 302 communes situées dans les départements de la Marne, Haute-Marne, Seine-et-Marne de l’Aisne et l’Aube. A cette aire de production s’ajoute l’encépagement, car le vin tire du plant, dont il provient, sa spécificité et en l’occurrence les cépages autorisés sont restreints : Chardonnay,Pinot blanc (Enfumé), gris (Fromenteau), noir, Arbanne et Petit Meslier. Si les normes de plantation sont identiques pour tous les cépages, celles des tailles diffèrent en fonction des cépages. Les traditions culturales régissent l’entrée en production comme elles interdisent l’irrigation des vignes. Les cueillettes, récolte et la production des moûts sont également soumis à des contraintes, tout comme le modèle de pressoirs, le rendement, le pressurage, la fermentation, le remuage et le vieillissement.
En somme qui dit champagne dit rigueur et respect inconditionnel de ces règles tout au long de son élaboration. Mais à cela s’ajoutent des arts et manières qui rendent certains crus remarquables et l’air du temps est précisément à la recherche de ces produits d’excellence, dits de plus en plus de prestige, qui travaillent avec des raisins issus de cépages cultivés de façon sélective sur des parcelles réduites. En effet le champagne, après des décades de superficialité, l’emporte par la reconnaissance des recherches de qualité, la sublimation de règles de vinification qui évitent les fermentations malolactiques, Champagne Alfred Gratien, Brut, Cuvée Paradis 2006, Epernay et usent avec modération des sulfites, parfois même l’éliminent, Maison Drappier. Ces maisons choisissent de construire des jus en fonction du terroir et de la nature du raisin, affinant des cuvées qui ont abandonné le traditionnel assemblage de six cépages pour n’en garder que quatre, Champagne Drappier, Quattuor, brut sans année, Urville, voire deux, Champagne Deutz, cuvée William Deutz, rosé millésimé 2000, ou même un seul. C’est alors l’expression de grappes portées à leur plus belle maturité qui dégagent des notes fruitées, amples et fraiches,Champagne Gosset – Celebris Vintage 2002 – Extra Brut, Aÿ. Produit d’exception, sensible aux circonstances économiques, le champagne témoigne pourtant même sur les marchés émergents d’une évolution des goûts des amateurs en quête d’authenticité.
Marie Combes