Territoire bouleversé par l’Histoire, membre de l’Union Européenne depuis 2004, la Pologne dévoile de nombreuses facettes au gré de la découverte de ses provinces. Lorsque le regard s’attarde sur une carte, le pays semble une immense plaine qui glisse vers la Baltique. Un regard plus attentif décèle peu à peu tout au Sud les premiers accidents du relief avec la chaine des Beskides qui définit la frontière avec la Slovaquie, puis celle des Sudètes qui, cette fois, trace la frontière avec la République Tchèque. Et là au Nord de la chaine des Beskides, dans cette Pologne méridionale se trouvent le plateau de la Petite Pologne.
A voir absolument au sud de la Pologne, la ville de Cracovie, Krakow en polonais. Avec une agglomération d’environ 1,5 million d’habitants elle est la troisième ville de Pologne. Au contraire de nombreuses villes polonaises elle n’a pas été détruite par les bombardements comme Gdansk, et de ce fait elle offre au promeneur une grande diversité architecturale. Les lieux historiques sont nombreux, mais les plus incontournables sont la Grand Place, la forteresse du Wawel et le symbolique dragon de Cracovie, la basilique Sainte Marie, sans omettre le quartier Kazimierz.
Comme Gdansk, ce qui fait la qualité architecturale de la ville, c’est son passé historique. En effet, la ville a été érigée au bord de la Vistule qui la traverse. Sa fondation semblerait dater du VII ème siècle même si des témoignages archéologiques, ici aussi, prouvent que la Pologne fut très tôt un foyer de civilisation. Et à Cracovie, grâce à la conservation de son patrimoine architectural, légendes et Histoire se côtoient, surgissent au détour d’une place, au pied des remparts, sous la Halle du centre ville.
Cracovie paraît donc dans la majesté de l’une des villes les plus anciennes de Pologne, et elle en fut la capitale avant que Varsovie ne la détrônât. Aujourd’hui encore, son passé architectural, son statut de ville universitaire depuis le Moyen-Age avec l’Université Jagellonne fondée en 1364, deuxième plus ancienne université d’Europe après Prague ( créée en en 1348) et ses centres de recherche font de Cracovie le centre culturel du pays. Un statut reconnu internationalement: Cracovie a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1978, classée « ville mondiale » , et désignée Capitale européenne de la culture en 2000.
Mais avant d’être une ville d’histoire, Cracovie est une ville de légendes. D’après la Première Chronique des rois et des princes de Pologne rédigée par l’un des évêques de Cracovie, Vincent Kadlubek ( fin du XII/ début XIII ème), c’est Krakus ( ou Krak) qui fonda la cité de Cracovie sur la colline du Wawel, au dessus de la grotte du dragon qu’il avait vaincu. Et aujourd’hui encore le Dragon de Wawel lance tous les quarts d’heure un jet de flammes vers le ciel au pied de la forteresse, face à la Vistule.
La science de l’étymologie propose une autre explication. Cracovie viendrait de la première langue slave et du nom « krak » qui désignait le « chêne sacré » et ferait référence à un culte païen des Vislanes, le peuple slave établi à cet endroit dès le IV ème siècle. Et ce sont eux qui, les premiers , y installèrent leur capitale. La légende dit aussi que le prince des Vislanes fut baptisé. On suppose aussi que le christianisme fut introduit en Pologne par l’influence de la Grande-Moravie, alliée influente de Cracovie. Et en ce cas le dragon du Wawel serait une retranscription de la légende de Saint Georges terrassant la foi païenne, représentée par le dragon.
En suivant la voie pierreuse qui monte à la citadelle du Wawel, le visiteur découvre progressivement la qualité du site, les remparts de briques rouges et une position stratégique de surplomb sur la Vistule et aujourd’hui sur toute la ville. C’est – semble-t’il- après l’an 1000 que furent construits les premiers bâtiments de pierre: le château, des églises romanes, l’église Saint Félix et Adaukt et la cathédrale du Wawel.
Coté Histoire, le premier roi de Pologne, Boleslas le Vaillant, fut couronné à Cracovie en 1025, et la ville devint la capitale de la Pologne en 1038. C’est donc au Wawel qu’étaient sacrés et résidaient les rois de Pologne. Aujourd’hui le palais témoigne de la politique menée par les souverains successifs pendant plusieurs siècles jusqu’à Sigismond III Vasa. L’ensemble est imposant: fresques gothiques et renaissance, portes rehaussées de marqueterie, plafonds à caissons avec rosaces dorées à la feuille, ou encore les si particuliers caissons à têtes, fresques édifiantes sur les devoirs du souverain, tapisseries allégoriques retraçant la vie de Noé, salle du Zodiaque… le souvenir d’une époque privilégiée, jusqu’au moment où la résidence royale fut transférée à Varsovie en 1596.
Le Wawel par la concentration de ses bâtiments d’exception explique aussi les envies territoriales qu’éprouvèrent les pays voisins, la Prusse, la Russie, et l’Autriche. Cette dernière hérita de Cracovie, devenue une partie la Galicie jusqu’en 1809. Toutefois même si Cracovie devint une ville libre – à la souveraineté très encadrée-, en 1846 sa rébellion lui valut de repasser sous le contrôle de l’Autriche pour 20 ans jusqu’à la guerre austro-prussienne. La Pologne dut à sa loyauté d’être à nouveau autonome et Cracovie retrouva son statut de Centre culturel et artistique. Elle attira alors peintres, écrivains et poètes, et devint l’un des centres du Modernisme.
Dans la ville même il est indispensable de visiter la Place du Marché, qui date du Moyen-Age, et sa Halle aux Draps (Sukiennice), gothique, rappellent la prospérité de la ville. Mais la Halle réserve des surprises. De l’une de ses arcades extérieures, on accède sous la place, à quelques mètres de profondeur à un musée original, 4000 m2 avec un itinéraire « Sur les traces de l’identité européenne de Cracovie »., riche des résultats des fouilles effectuées pendant 5 ans. Et au dessus de la Galerie commerciale qui abrite encore des étals, se trouve la Galerie d’Art Polonais du XIX è siècle. Toujours sur la place, à l’un de ses angles la Basilique gothique Sainte Marie de Cracovie, fondée au XII ème siècle par les bourgeois de Cracovie. Et le promeneur attentif peut à chaque heure guetter le « herbal », la sonnerie du clairon soufflée du haut de sa plus haute tour.
La Pologne bénéficie aussi d’une culture culinaire de tout premier ordre. Et à Cracovie, sur le Rynek, le restaurant Szara-ges offre une variété de plats traditionnels présentés avec recherche et accompagnés d’excellents vins polonais.
Le quartier Kazimierz est lui aussi un lieu emblématique de Cracovie. A l’origine véritable ville indépendante , le quartier Kazimierz fut fondé au XIVème siècle par le roi Casimir le Grand, Kazimierz était destiné à accueillir la population juive. Construite autour de la place Wolnica, cette ville dans la ville garde le souvenir de la vie sociale et culturelle qui s’y développa pendant 7 siècles. Second quartier juif d’Europe par sa grandeur après le quartier Josefov de Prague, Kazimierz livre un témoignage irremplaçable et émouvant sur la culture juive et l’architecture des synagogues des XVI, XVII et XIX ème siècle. Et devant l’une d’elle la statue de Jan Karski sur un banc.
Ville légendaire, Cracovie l’est incontestablement, mais la découverte de ses quartiers et la vie culturelle qui s’y développe reflète aussi une ville qui regarde vers le futur.
Dominique Grimardia