Un Petit Homme dans un Vaste Monde…

by Rédaction

Rompant avec sa période baroque, Gérard Rancinan propose pour ce printemps 2014 l’aboutissement d’un travail plus conceptuel sur l’homme. Il abandonne Gaétan le Magnifique et livré une réflexion aux accents très pascaliens sur Un petit homme dans un vaste monde , assisté en cela par Caroline  Gaudriault qui publie pour l’heure ses entretiens avec le philosophe Francis Fukuyama. Le résultat de cette réflexion sur la place de l’homme dans le monde actuel aboutit à une magistrale exposition accompagnée d’un livre et d’un cd. L’exposition se passe dans l’ancienne Patinoire Royale de Bruxelles, devenue la Galerie Valerie Bach. Sous l’ armature sombre du lieu 25 oeuvres  en noir et blanc , 25 tirages argentiques de grands, voire très grands formats proposent cette réflexion philosophique sur l’homme du temps présent.

Ce petit homme  est un homme bridé, vêtu d’un costume emblématique. Habitué des postures inconfortables il se désarticule sur la pointe de ses pieds tordus pour assumer des travaux mythiques: il gravit une pente à 45 °, diagonale qui scinde la toile en deux triangles , l’un noir, l’autre blanc. Il s’arcboute sous la menace d(‘une sphère, plus loin il s’essaie à la déplacer. il se faufile entre de grandes colonnes, stries noires sur fond glacé immaculé, se retrouve à l’entrée d(‘un labyrinthe, ou court dans la sphère. L’homme y est souvent seul, entravé autant dans ses mouvements que prisonnier d’un cadre volontairement géométrique. Gérard Rancinan avoue avoir « voulu placer l’homme dans la géométrie invariable du monde », évoquant autant l’héritage platonicien que les recherches de la Renaissance.

Et ce cadre géométrique ascétique, sans concession ni dérive, cerne l’homme qui progressivement n’est plus un, mais devient 3, puis 7, 11, 13, 15,  et 28. Mais même lorsqu’il se duplique, l’homme reste seul, juxtaposé à d’autres individus qui lui ressemblent, et pourtant se différencient par une nouvelle posture, une autre gesticulation, un nouveau statut,. Le petit homme ne se duplique pas, il mue mais lentement, après une série d’épreuves mythiques, tantôt nouveau Sisyphe en complet noir, minuscule Atlas qui ploie sous la charge et la repose, Thésée à l’entrée d’un gigantesque labyrinthe. Son action le pose en fou, en coureur de l’absurde. Il entre dans la toile , il en sort. Mais l’ ‘évasion évoquée dans la succession des hommes en complet blanc, tongues blanches aux pieds,  harnachés d’une superbe bouée blanche à tête de canard  reste unique.

Oubliée la luxuriance de la jungle urbaine de Gaétan, le petit homme évolue en noir et blanc , affublé des attributs de l’anonymat: le complet souvent noir, zébré par la blancheur de ses liens, la mallette, un bandeau, des Richelieu cirés. Même s’il acquiert plus de place au gré des oeuvres, son destin semble soumis à une angoissante incertitude. Pas de triomphe, aucune arrogance non plus dans L’ homme réparé, Au terme de tous ces travaux subsistent trois hommes, toujours en costumes, placés sur trois socles, dont les corps désarticulés ne tiennent en des postures grotesques que grâce à de misérables attelés de fortune.

Les mises-en-scènes antérieures de Gérard Rancinan s’appuyaient sur des constructions sophistiquées  saturées de symboles. Ici la variation en noir et blanc fait affleurer le mythe avec sobriété, rappelé par les titres où convergent la forme et le sens. La technique, le médian et le travail des tirages aux limites acuelles du possible donnent à voir une réflexion en mouvement sur l’homme post-moderne. C’est une oeuvre à trois voix,  intéressante par ses facettes interactives, qui pose sur un mode dynamique la question des limites de l’image et des  transgressions possibles, libérée par le mode photographique. Dominique Grimardia

Copyright forks 2014.

Un petit homme dans un vaste monde, Galreie Valérie bac, rue Faider 6, Bruxelles, Belgique, jusqu’au 21 juin 2014, puis à Shanghai en septembre.

 

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